Semaine 9 – Catalogne-Bovera: un souffle positif pour une agriculture durable. 73 km
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Rendez vous à Bovera avec Marc Farre, producteur d’olives, d’amandes et de safran, certifié Demeter. Identifié sur le net, Marc nous a gentiment et rapidement répondu. Il nous montre avec plaisir son travail. Ce rendez-vous nous amène donc à Bovera, un village rural catalan, de 270 habitants situé au Sud-Ouest de la région « Les Garrigues » dans la province de Lleida à l’Ouest de Ribera d ‘Ebre. Le site internet officiel nous indique que « Les Garrigues, un terroir bénéficiant de l’Appellation d’Origine la plus ancienne de toute l’Espagne, appellation délivrée en 1975 et reconnue en 1996 par l’Union européenne. L’extraordinaire qualité de cette huile est le fruit de différents facteurs : une culture soignée, des conditions climatiques spécifiques à la région; le fait que les olives soient cueillies directement sur l’arbre, et une préparation entièrement à froid. Nos lectures et entretiens nous confirment l’existence d’une coopérative (producteurs d’olives), de plusieurs moulins et du musée de l’Huile de Catalogne dans le village voisin, Granadella.
Une entrée en matière singulière – le café du village
Depuis Flix, 2 heures de montée confortable mais soutenue en serpentant entre 2 vallons, au milieu des cultures en terrasse pour atteindre le village concentré de Bovera.. Nous investissons le seul restaurant du village à la recherche d’un hébergement, aucun un hôtel à l’horizon. Gentiment, la serveuse du restaurant nous dirige vers la place attribuée aux camping cars. Comprenant le motif de notre voyage, elle informe discrètement quelques clients des raisons de notre présence. Très vite, plusieurs villageois nous abordent, dont Eladi, ornithologue, expert en système d’irrigation et producteur d’huile d’olive et habitant de Bovera uniquement le week-end. Dans ce café (Un commentaire sur Tripavisor est parfaitement juste), tout le monde se parle. Le patron, habitant récemment revenu dans son village natal pour y reprendre l’affaire, fait de son mieux pour que chacun trouve sa place. Jeux de fléchette, baby foot, salle des fêtes jouxtant le bar réservé aux jeunes les soirs de week-end, sa fille au service-discrète et efficace intermédiaire. Journaliers marocains, chasseurs, épouses, grands-mères partageant un thé, agriculteurs bio et moins bios, les habitués de la bière dès 8h00, deux touristes suisses à vélos: chacun trouve sa place et prend part aux discussions. Ce restaurant permet aussi aux exilés citadins ayant quitté le village, et revenant le week-end de se remettre au courant des dernières nouvelles. Nous sommes très surpris par la grande animation régnante dans ce restaurant d’un petit village de 270 habitants. C’est samedi soir, de nombreuses personnes ne viennent que passer le week-end à la campagne…Nous aurons confirmation les jours suivants, en semaine le village ne compte que 100 habitants et nous y verrons de nombreuses maisons abandonnées.
Eladi Ribes (nom prédestiné- ribes en latin= ronce) a deviné que nous avions rendez-vous avec Marc Farre le lendemain. Les producteurs bio sont plutôt rares dans la région… Trois en tout. Eladi a peu de temps, il repart le lendemain en ville. Il nous propose de nous héberger. Nous passerons la soirée avec sa femme Maria et lui et il nous fera visiter ses 20 hectares de productions d’olives et d’amandiers le lendemain en fin de journée. Eladi est un passionné, en particulier des oiseaux. Ici un livre qu’il a reçu dédicacé d’experts suisses et qu’il est heureux de nous présenter. (lire notre brève Eladi & la maîtrise de l’eau)
Nous rencontrons Marc et son épouse le lendemain à 10h00 au café et passons la journée ensemble, visitant une partie de leurs 50 hectares de cultures (25 fincas-champs). Nous resterons ainsi quelques jours à Bovera, bénéficiant d’un logement autonome prêtés par nos hôtes. (lire notre brève Marc: à la recherche d’un écosystème viable). Objectif: taille et compréhension de l’arboriculture biologique développée au village par deux précieux et rares producteurs soucieux de leur terre. (lire notre brève L’olivier roi) .Une semaine de questionnement pour découvrir un village rural écartelé entre tradition et modernité, fonctionnant pour certains aspects dans l’individualité la plus totale et par ailleurs partageant de sympathiques moments de convivialité au café ou sur la place du village. (lire Une semaine dans un village rural catalan)
Deux interlocuteurs, deux parcours, un objectif commun. produire « bio »
Eladi et Marc vivent dans une région rural en mutation. A Bovera comme ailleurs, le modèle agricole évolue d’une agriculture de subsistance, manuelle à un système d’agriculture productiviste.
- Fin des polycultures : multiples variétés de fruits et légumes produits sur l’exploitation
- Fin des élevages intégrés à l’exploitation, les animaux étant élevés parallèlement aux cultures
- Fin de l’autoconsommation
- Utilisation d’engrais organiques uniquement
- Commercialisation réduite aux surplus de production non auto-consommés
Ce que nous voyons du haut de nos bicyclettes sur quelques jours est bien différent:
- Productivisme – des élevages en batteries – des usines d’animaux (Cochons, poulets, moutons, dindes, etc.) Nous le voyons tous les jours sur le bord des routes, des animaux parqués/enfermés, sans aires de débattement, ni champs de pâturage, chevaux y compris – un vrai scandale en 2022.
- Intensification de la production agricole qui réoriente ses cultures et se spécialise dans les monocultures
- Mécanisation des tâches agricoles (Certains arboriculteurs taillent avec une épareuse)
- Augmentation constante de la consommation d’intrants d’origine industrielle
- Promotion et développement de l’irrigation tout azimut, jusqu’au sommet des collines
Peut-on aujourd’hui, vivre économiquement en cultivant « à l’ancienne », en cherchant à respecter un écosystème? Peut-on assurer un revenu seul, sans un soutien familiale étant dépendant d’un système de production parcellisé? peut-on produire sans détruire les sols, biologiquement, sans animaux?.
Comment concilier la qualité de vie et la qualité des produits traditionnels avec un modèle productiviste permettant aux agriculteurs d’accéder à un niveau de vie décent? Comment capter les jeunes dans cette profession? D’augmenter la productivité et la compétitivité? (lire notre brève S’inspirer des traditions pour construire le futur)
Trois arboriculteurs/agriculteurs à Bovera sur 50 exploitants développent ces techniques durables. Malgré leur exclusions des coopératives, ils restent convaincus et passionnés de leurs choix de vie. La guerre en Ukraine, et ses conséquences directes sur l’économie européenne, nous a fait apprécier la réactivité de nos interlocuteurs (lire notre brève Ukraine: une adaptation immédiate à Bovera)
Nous quitterons Bovera dans une brume bretonne, pour rejoindre Lerida (Lleida en catalan) puis Balaguer, 76km au Nord afin de rencontrer un entrepreneur »Pamiès »: producteur, concepteur, réalisateur d’un centre destiné à « la santé par les plantes ».
Sur la route de Bovera à Balaguer:
La nouvelle couleur du jour, du voyage, le rose.
Champs de cerisiers en fleurs région de Lerida – sous un ciel gris, aller disons changeant, ce qui ne veut pas dire chaud – (6-13 degrés)
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