Eladi et la maîtrise de l’eau

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Eladi est né dans le petit village de Bovera. Petit, il accompagne déjà son père et son grand-père dans les champs pour tailler et récolter les olives et les amandes. Régulièrement, il s’évader aussi pour écouter et observer les oiseaux qu’ils adorent avec qui il converse nous avoue-t-il. L’eau était déjà au cœur des discussions d’ adultes. Comment récolter l’eau de pluie pour arroser les jardins maraîchers et abreuver le bétail? Où creuser pour accéder à l’eau de la nappe phréatique en sous-sol ? Eladi aime sa région. Il décide de se former sur les questions d’irrigation et d’en faire son travail, pensant assurer son avenir en restant au cœur de la thématique centrale de la région. Il part habiter en ville, à quelques kilomètre de son village natal, dans le lequel il revient tous les week-end, d’abord seul, puis avec sa femme Maria et son fils. Progressivement, Eladi et Maria reprennent, par passion et durant leurs heures de congé, la gestion de 20 hectares que le père d’Eladi leur lègue. Le principal produit de leur entreprise est de l’huile extra vierge biologique. Selon Eladi et Maria,  » une exploitation adéquate et attentionnée des oliviers favorise autant le produit que l’environnement. Pour cette raison, nous avons porté notre choix sur l’exploitation biologique de notre domaine« .

L’arrivée massive de l’eau dans le village modifie en profondeur les techniques de production

Selon la politique agricole intensive, des plans d’irrigations sont pensés et aménagés (par exemple, la construction du canal Segerra-Guarriges) et en 1996, la vallée de Bovera va bénéficier d’un système d’irrigation alimentée par l’eau de l’Ebre et stockée dans 4 immenses réservoirs aux sommets des collines ( l’un fiat 100m X 50m). Cette nouveauté et surtout l’opulence de la présence de l’eau va bouleverser profondément les techniques de cultures.

Nouvelles techniques de cultures « productivistes »

La venue massive de l’eau, en plus de l’ensemble des transformations structurelles liées à l’agriculture intensive a modifié radicalement la culture des oliviers.

La présence d’eau régulière augmente significativement la pousse globale de l’arbre et le poids de l’olive. La quantité d’huile produite, pressée à chaud est ainsi plus élevée. Ce n’est plus la qualité qui est recherchée ou le soin de l’arbre que l’on peut maintenant facilement remplacer. C’est le nombre de kilos d’olives récoltées. La vision globale de l’écosystème dans lequel vit l’arbre est oublié. En résumé, les grands changements et les conséquences:

  • Arrêt des plantations des arbres en 6/8 et plantations en haies pour les oliviers (tous les mètres avec intercalaire de 6m (conséquences: mécanisation du travail, maltraitant les arbres- augmentation des coûts de production mais diminution du temps de travail)
  • Augmentation des surfaces des champs en supprimant progressivement les cultures en terrasses (conséquences: durant les grandes pluies, lessivage des surfaces et accessoirement perte de savoir faire des murs)
  • Arrêt de la taille manuelle et passage à la taille par épareuse… tout en finesse, les coupe ne sont pas franches mais  »hachées » (conséquences: affaiblissement de l’arbre, par le développement de maladies dans des  »palies liées à cette taille approximative
  • Augmentation des intrants pour soutenir l’arbre, et augmentation de l’irrigation, d’où une augmentation des coûts de productions – l’arbre étant davantage stimulé dans sa pousse générale que dans la pousse de ses fruits – il faut davantage tailler les fortes pousses annuelles.
  • Suppression de la présence des animaux dans les champs (suppression de la tonte naturelle et de la fumure animale, augmentation des herbicides et des engrais chimiques – augmentation des coûts, pollution majeur des nappes phréatiques, destruction de la faune et flore locale)
  • Arrêt de la récolte des olives à la main et remplacé par le secouage agressif des arbres à leur base, les troncs sont tous marqués à leur base, les racines fines sont arrachées, (conséquences: fragilisation des racines et de l’arbre, diminution de la présence des oiseaux dus à la diminution drastique de leur nourriture, à la longue, augmentation des coûts et du temps de travail)
  • Arrêt des récoltes des olives sur l’arbre mais récolte à terre des olives matures: le sol est absolument propre balayé au souffleur à moteur et totalement désherbé afin que les olives puissent ensuite simplement être rassemblées avec un grand balais. (Conséquences: utilisation d’herbicide massif, pollution importante des olives)

Une bonne gestion de l’eau pour une agriculture respectueuse

Eladi et sa femme, soucieux de la qualité du produit et de l’environnement, refusent de pratiquer ces nouvelles techniques. Ils cherchent donc à développer un système de production viable à long terme.

La gestion de l’eau est le fondement de leur réflexion.

Les oliviers et les amandiers sont très adaptés à ce climat chaud et sec. Ils n’ont besoin que d’une petite quantité d’eau. Sans eau cependant, ils ne peuvent pas survivre. La région a une pluviométrie de 150 à 200 ml par année, ce qui est idéal pour ce type de culture mais l’eau reste très précieuse. Les anciens ont donc déployé beaucoup d’ingéniosité pour conserver cette eau pour leur consommation propre, celle du bétail et enfin du jardin.

La gestion de l’eau par le grand père d’Eladi

Changement climatique et absence d’eau poussent Eladi a revoir son système d’irrigation

Eladi constate les conséquences du changements climatiques. En 2021 par exemple, l’hiver a été extrêmement rigoureux et une neige humide et lourde de 45 cm s’est abattue sur la région et sur les arbres, causant des dégâts très importants. De très nombreuses branches d’oliviers et de pins ont cédé sous le poids. Eladi, comme beaucoup d’autres agriculteurs, a dû retailler l’ensemble des ses arbres fortement abîmés.

Depuis plusieurs années, Eladi constate également le manque d’eau. Sa facture en eau en atteste. Elle a plus que doublé en 3 ans! Cette année est particulièrement rude, n’ayant toujours pas plu depuis la fin de l’année passée. Il sait que sans eau, les amandiers périront. Même les oliviers, pourtant résistants, ne survivront pas. Globalement l’accès à l’eau va diminuer et son coût augmenter. Il est urgent de rationnaliser son utilisation. Techniquement, il doit abreuver 240 arbres par hectares, ce qui signifie un besoin de 1700 mètres cube par hectare par mois. En temps normal et en cas de bonne pluviométrie, il irrigue ses champs de mai à septembre. En cas de manque de pluie, il commence l’irrigation en mars déjà.

Eviter l’évaporation de l’eau et améliorer la perméabilité du sol

Il a donc décider d’enterrer l’ensemble de son système d’irrigation qui, jusque là était suspendu à ses arbres. Il souhaite ainsi éviter l’évaporation de l’eau!

Sa meilleure protection et alliée: l’herbe aux pieds des arbres

Une croyance, très ancrée chez les agriculteurs conventionnels, affirme que l’herbe est une prédatrice et concurrente et qu’elle absorbe l’eau et les éléments minéraux au détriment de l’arbre cultivé. « Selon cette croyance, les vendeurs de désherbants sont devenus millionnaires » (au détriment des agriculteurs!). Or, c’est certainement la plus grande aberration dans un pays chaud où l’eau est rare. Désherber autour de l’arbre favorise simplement l’évaporation et le dessèchement du sol! Au contraire, la présence raisonnée d’herbes indigènes, permet à l’eau de mieux d’infiltrer dans le sol grâce aux nombreuses racines et auxiliaires présents et de capter la rosée de la nuit! De nombreux insectes tels que les abeilles s’abreuvent de la rosée. En pays chauds, la rosée peut suffire aux plantes pour passer le cap difficile des mois d’été. Eladi laisse donc pousser l’herbe sur l’ensemble de ses champs. La photo google transmise par Eladi est impressionnante de clarté!

Afin de démontrer qu’une production d’olives et d’amandes, respectueuse de l’environnement a du sens et est viable à long terme, il recense chaque année, à la même date, les oiseaux présents sur ces champs et compile les informations sur son site d’ornithologue. Il a rapidement observé une augmentation de la présence de certains oiseaux! https://elparapeu.wordpress.com/

Les installations sont sur site. Lors du recensement, Eladi posera les filets.

Eladi et Maria écoulent leur production d’huile d’olive principalement en Suisse (https://www.bionik-ag.ch/?page_id=214) . Ils ne peuvent actuellement pas encore vivre de leur production et complètent leurs revenus par d’autres activités professionnelles durant la semaine. Ils espèrent néanmoins bientôt pouvoir vivre de leur passion.

Eladi pense que les vrais changements viendront par les jeunes. Depuis plusieurs années, il propose des cours de sensibilisation aux écoles. Il est en train de construire un parcours didactique sur son champs et station ornithologique « El Parapeu ».

Merci à Eladi et sa femme, Maria, pour leur accueil si généreux, leur temps et leur passion!

Une réponse

  1. Dufour-Fallot Brigitte dit:
    J’adore la philosophie d’Eladi et sa femme. Le lien entre oliveraie et ornithologie m’a plait aussi beaucoup. Cela donne envie de leur acheter leur huile.

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