Semaine 7 – La région d’Almeria, porte des illusions/espérances/fictions? 156km étouffants
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Benja et Ela nous avaient avertis, les 10 kilomètres après Maro seront magnifiques. Un parc naturel préserve ce littoral abrupte. L’air plus frais du mois de février nous aide à gravir les dénivelés dans ce décor de carte postale.
Puis nous entrons progressivement dans l’univers infernal des serres qui s’étend partout entre montagnes et mer, jouxtant les plages touristiques.
Lors de notre route, en passant par des villages tels que Castell de Ferro ou Aguadulce, nous passerons d’observateurs critiques de notre mode de vie, à touristes bercés par la mer et les aménagements de loisirs, véritables paravents à une réalité économique, agricole et sociale et à ce qu’il faudrait éviter de voir.
Arrivés en fin de journée à Castell de Ferro, après près de 70 km, le seul hôtel est au centre du village, lui-même au centre d’un périphérique routier, encerclé de serres et d’une urbanisation non maîtrisée. Nous passons du côté plage sympa, « côté touriste ». La pièce dans cette région a deux faces: côté pile, le travail, que nous évoquerons longuement dans le sujet sur les serres, le côté face, l’Espagne touristique, entretenue et ripolinée. Le petit port de pêche est intact. Nous tentons de trouver une chambre pour la nuit (lire notre brève: Monika, roumaine, nouvelle patronne de l’hostal Costal Sol ). A Aguadulce, un peu plus proche d’Alméria mais en centre du désert des serres, Lola nous fait vivre un agréable interlude reposant avec Mia (lire notre brève: Lola, la belle madrilène, vivant à Aguadulce/Roquetas de Mar, île touristique au milieu des serres).
Notre route nous amène aussi au plus près de cette réalité décriée et questionnante. Choisissant de ne pas remonter pas la route nationale et de prendre une tangente, nous traversons le village inconnu des touristes, El Pozuelo, petit village d’ouvriers venant principalement du Maroc. Des inscriptions un peu partout sur les serres. Connaissant les conditions de travail très décriées dans de nombreux médias, nous imaginons qu’il s’agit de revendications contre l’exploitation probable d’un patron pour des meilleures conditions de travail. Interrogeant des passants, nous comprenons que le gouvernement a décidé unilatéralement de « nettoyer » les plages pour attirer le touristes en amputant des places de travail, même très précaires.
A El Ejido, le hasard nous a fait rencontrer Jibril, ouvrier agricole au sein des serres qui a décidé de nous raconter son histoire et qui, en optimiste courageux, sait dire ce que l’Espagne lui offre et ce qu’elle lui refuse. (lire notre brève: Jibril, ouvrier agricole sans papier, recevra le St Graal de l’Espagne, si son patron le veut bien).
La mention « personnel en règle et assuré » est mentionnée comme une plus value exceptionnelle.
Pourquoi avons-nous décidé de traverser ce désert alors que nous sommes en recherche de plantes? Pour vivre, par l’expérience ce que nous avions lu dans de nombreux médias. Nous n’avons rien appris de vraiment nouveau. Mais la prochaine fois que nous achèterons une pizza congelée par commodité, un légume rutilant conventionnel « made in Spain » dans une grande surface par manque de temps de choisir notre épicerie préférée, nous penserons à cet environnement surréaliste, de décors plastifiés, à cette eau turquoise dans son bac de ciment, à Djibril, et nous ressentirons cette sensation de fin du monde…Espérons que ces souvenirs seront assez puissants pour nous aider à renoncer à ne plus contribuer à cette image illusoire et fictionnelle du beau jardin, jardin d’Eden, fleuri, d’Espagne nourrissant l’Europe.
Les déserts d’Alméria ont accueil jadis les chercheurs d’or des western spaghetti. Aujourd’hui, des chercheurs d’or vert défoncent les sols pour »gaver » quelques (40’000 tonnes/jour) de légumes insipides, sans goût ni aucune valeur nutritive. La région d’Alméria reste un lieu de création de rêves et d’illusions, sauf peut être pour quelques élus, pour qui Alméria est une vraie porte d’entrée pour l’Europe et une vie meilleure. (lire notre dossier: Le potager de l’Europe me donne envie d’aller chez le psy !)
Essoufflés et terrassés, nous décidons de prendre un temps de repos et de pause…Nous poursuivrons notre route en bus vers Valencia, 450 km au Nord Est, puis repartirons à vélo vers le paradis des oranges.
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