Semaine 23 Bye bye Albania 500km 4300m +++
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Kükes, 1er juillet 2022
Premier pays visité dont nous ne maîtrisons pas la langue, ni la géographie, ni l’histoire, aucune visite au préalable, des « a priori » plein les poches, ces deux semaines seront denses pour essayer de comprendre où nous avons étés. Le plus facile à lire, c’est la nature, les plantes, une logique, des découvertes très sympathiques, une opulence de nature qui nous a enthousiasmé.
Arrivés le 16 juin à Dürres, nous aurons passé 2 grandes semaines en Albanie, pays interpellant de par son histoire mouvementée, sa population de migrants, un consensus multiconfessionnel, ses difficultés économiques complexes, multiples, difficiles à appréhender en 15 jours de vélo.
Ce que nous retenons:
Accéder à l’Albanie
Devant notre difficulté à trouver les bons interlocuteurs, nous nous sommes appuyés sur l’agence Albanie360°.com, et heureusement. Nous avons gagné un temps précieux via leurs conseils sur les routes, les hébergements, les centres d’intérêts. L’accès en Albanie est facile par le port ou l’aéroport ou la route, puis… l’aventure risque d’être moins drôle si vous suivez vos instincts. A vélo, peu de route sont asphaltées en dehors des grands axes. Les Google Map ne sont opérantes que pour les voitures, fini les itinéraires pour vélos, plus de prévision de dénivelés. Les applications Map.me se perdent souvent au hasard de la cartographie, Komoot semble l’application la plus fiable, quoi qu’elle ce soit également perdue plusieurs fois, surtout dans les dénivelés. En vélo, chargé, le parcours que nous avons réalisé n’est pas franchement recommandable, sauf pour une préparation à un Ironman. Quelques soient les cartes digitales ou papier, la hiérarchie des routes n’est pas cohérente avec son revêtement, en vélo cela à sa petite importance; 3 crevaisons en 48h et des pneus neufs détruits. Signalétique très minimaliste hors des grands axes. Mais toujours, toujours des gens pour vous aider ou vous donner les moyens de trouver une solution.
Les gens
Difficile de faire des généralités. D’une approche réservées, surtout envers les femmes, les albanais sont ultra accessibles…. en albanais quand on les sollicitent. Il y a toujours dans les environs, une personne qui a travaillé au Nord de l’Europe et qui servira de traducteur. Le vrai moment de vérité, nous l’avons eu via notre guide-interprète Elona, propriétaire d’une ferme Agroturizem, Ferma Grand Albania, qui forte de partager nos centres intérêts nous offrira la rencontre de maraîchers charmants et l’échange sans détour. Au delà, on sent toujours une réserve, des non-dits, le communisme d’il y a 30 ans reste regretté pour de nombreux aspects, les lamentations sur l’économie de marché sont quotidiennes et fondées: peut-on vivre avec 5.5 euros par jour, même en Albanie? Le réponse est NON. Les gens que nous rencontrons sont donc heureux pour les quelques entrepreneurs, positivement endoctrinés pour ceux qui nous accueillent. Ils sont tristes et désespérés pour ceux qui ne trouvent pas de travail et qui n’ont pas réussi à se faire embaucher à l’étranger. Moralité, lorsque l’on traverse les villages (et pas Tirana qui est très dynamique), on ressent une grosse tristesse et anesthésie.
Nous avons étés très impressionnés côté religion par l’équilibre qui semble se dégager entre les 3 religions principales, musulmane, catholique et orthodoxe. Certes, on sent bien dans le centre de Tirana, une course à la surenchère post-moderne architecturale, mais l’exemple architectural et urbanistique de Berat démontre que depuis 6 siècles, le consensus religieux existe, et est respecté. La présence turque est elle aussi ressentie au travers de l’état irréprochable des mosquées et des collèges privés.
La nature
Notre parcours est celui de la montagne, pas du littoral, de Tirana à Balanban, 230km, nous avons parcouru des autoroutes et routes nationales en bus, mais le spectacle était au rendez-vous. Lire nos brèves
La nature , en Albanie, à vélo, en campagne, c’est retrouver l’Europe rurale d’il y a 50-70 ans: oiseaux, plantes le long des routes, dans certaines vallées davantage de chevaux, mulets, ânes que de voitures. La nature hors des villes est généreuse, ultra-diversifiée, c’est un régal pour notre intérêt des plantes. la grande découverte c’est la profusion de fruitiers sauvages, endémiques, de fruitiers dans les jardins, tout pousse y compris les agrumes dans les vallées protégées des vents du Nord. L’agriculture est vivrière, très peu de grandes exploitations d’élevages. La campagne reste donc parcellisée avec des haies des arbres. Seul pays d’Europe où nous voyons des arbres replantés le long des routes et autoroutes. Les plantes sont partout, dans tous les villages, maisons, petits café. Ce contact vert permanent nous rassure. Les réflexes de protection contre le soleil sont donc présents, agroforesterie, potagers sous les arbres, bistrot abrités sous des tonnelles de vignes non traitées en pleine forme. Les coûts prohibitifs des asphaltes laissent un certain romantisme et côté sauvage aux voiries recouvertes des pierres locales, au grand regret de nos vélos trop urbains pour résister.
Les plantes médicinales sauvages, bio, une activité discrète
Oui, oui, tout le monde nous en parle, mais s’est comme le loup, peu l’on vu. 500 km de routes montagneuses, chemins, parcours en montagne et nous avons peu rencontré ces fameuses prairies où l’on ramasse les plantes sauvages. Oui, les plantes sont là , mais pas dans les proportions dont les statistiques d’exportation nous parlent, voir des entrepôts que nous avons parcourus. Les plantes condimentaires et médicinales, sont sauvages et cultivées aussi. Pourquoi, à toutes les questions posées, nous aurons toujours les mêmes réponses stéréotypées: qualité , bio, tradition, sauvage, préservation de la nature..?
Réponse: le business manque complètement de transparence: le président de association des producteurs-grossistes, ne répond pas à notre demandes de renseignements.
Un collecteur local de plantes dans les villages évite de nous répondre. Certes, les fermiers nous montrent, comment ils sèment les champs, les récoltent et sèchent les plantes comme du foin, les tamisent et stockent , comme du blé. Nous sommes très loin des standards utilisés en Suisse. Avons-nous étés vraiment dans les bonnes régions? Il n’en demeure pas moins que nous avons rencontré, hormis le romarin et le thym quasiment tout l’inventaire médicinal que nous pouvons collecter en Suisse entre plaine et montagne, avec évidemment des espèces endémiques très odorantes.
Nous avons néanmoins étés impressionnés par l’entreprise Gjedra du nom de son fondateur décédé en début d’année. Lire notre brève Gjedra- un des 6 exportateurs de plantes médicinales en Albanie.
Le littering, déchets sur l’espace public, la pollution humaine
Comme partout dans le bassin méditerranéen, les villes, périphéries des villes sont à éviter, à tout prix. Déchets, déchets, décharges sauvages, virages discrets encombrés de détritus, abord des containers innommables, plastiques partout, heureusement un nettoyage par le feu est pratiqué de temps à autre, avec les effets de bords que cela comporte: disparition de la microfaune et flore des lieux, destruction des grands arbres limitrophes. Bref un désastre qui coule dans les rivières qui coulent.. dans la mer. Plan d’urbanisme en cours de projet, mitage du territoire, habitation, fermes, animaux, commerces, hôtels de luxe ou pas, marchés, carrossiers, changeurs de pneus (Gummeri), vendeurs de fruits, le tout pêle-mêle rappelle un peu l’Italie du Sud. La route reste la colonne vertébrale de la vie en Albanie, tout s’y passe, dans les village, ce sont les places qui accueillent les mini-bus « fourgon » qui assurent les dessertes de transports publics, privés, scolaires, les trains ayant étés supprimés.
Les animaux
Elevages vivriers, chacun possède une à quelques vaches, max 20-40 moutons et chèvres, pas ou très peu de porcs, des volailles partout, un âne ou un cheval par ferme, toujours entravé dans les champs et souvent seul, il n’y a pas de clôture. L’animal reste un être inférieur, seuls les chats et chiens s’en tirent pas trop mal. Dans les campagnes , toujours 3 à 5 molosses pour garder les moutons, et des bandes de quelques chiens errants fouillant les poubelles, mais en relative bonne santé.
Le chien standard albanais, c’est un berger de 20-30 kg qui ressemble au berge des Abruzzes vu en Sardaigne et qui aboie certes , mais reste à distance, certains sont carrément affectueux, ce sont les « spécial touristes ». La modernité apporte sa nouvelle conception du chien, bête et méchante, celui que l’on attache très court dans une niche pour toute sa vie. Au pays des tortues terrestre, c’est plutôt un massacre sur les routes et chemin. Les Mercedes ne sont pas encore équipées de radars détecteurs de tortues. Reste les chevaux éternels esclaves des hommes qui cette année auront rentré toute la récolte de foin, de paille, impressionnant de puissance par leur petite taille et leur rythme lent, adapté à leur charge et à l’allure de leur « Pépé », les jeunes ont quasi disparu des campagnes.
L’héritage culturel
Nous avons pris 3 jours pour visiter Bérat et apprécier une région riche d’un passé historique incroyable, qui se traduit par une architecture restaurée et un haut lieu touristique qui nous a plu pour ses multiples facettes, lire notre brève Berat-Albanie- un musée vivant et notre zoom sur Berat Castle Hotel l’aventure d’une hôtelière entrepreneur Efti.
Les infrastructures
La route reste la colonne vertébrale de la vie en Albanie, tout s’y passe. Les grandes routes sont dans un état parfait, plantations d’arbres partout. Sorti des routes principales asphaltées, le terrain escarpé donne du fils à retordre aux véhicules qui souffrent.
Dans les villages, se sont les places qui accueillent les mini-bus « fourgon » qui assurent les dessertes de transports publics, privés, scolaires, les trains ayant étés supprimés. Pour les vélos, de splendides tours en VTT à construire, un pays de rêve en évitant les plaines, et les villes, bien que Tirana soit pourvue de pistes cyclables en son centre.
Nourriture abondante, saine, fruits partout, nous sommes à la bonne époque, des choix de variétés de cerises rarement vus sur nos étals (1.5CHFrs le kilo) directement du producteur, sans réfrigération et produit de traitement, cela se voit. Mais dans les magasins, les produits américains, produits transformés et autres fastfood sont là, prenant progressivement le contrôle sur de nouvelles habitudes alimentaires qui auront des conséquences sur la santé et l’agriculture.
Aucun problème pour trouver un logement, une infinie multitude d’Hôtels tous relativement récents dont on se demande comment ils tournent et quel est leur financement?
La couverture internet est quasi parfaite comme en Suisse, avec des opérateurs étrangers comme Vodaphone qui pour 20 francs nous a donné une carte SIM locale évitant les frais Swisscom qui ne couvre pas l’Albanie au tarif européen.
L’économie
A vélo, difficile d’apprécier, mais de nombreux jeunes sont sur le carreau, 1.8 millions d’Albanais à l’étranger qui financent en partie leur famille (3 millions) restée au pays et investissent leurs économies dans la pierre (d’où les maisons cossues en cours de construction partout sur le territoire).
coûte 2.70 francs/le litre (rappel, le salaire moyen mensuel est de 300 euros), les voitures roulent chargées de passagers, le trafic automobile à fortement décru, les vélos ressortent, les fourgons de transports de passagers également. Les chevaux restent en montagne avec leurs pépés.
Tentative de conclusions
L’Albanie est un pays magnifique, une capitale dynamique, mais la sortie du communisme n’est pas encore digérée et l’entrée dans l’économie de marché éthique, non plus (Mais cela existe-t-il quelque part?. De nombreux projets immobiliers & commerciaux semblent inquiétants par leur mode de financement et gestion – constat proche de celui du Sud de l’Italie)
Si les jeunes albanais, restent axés sur la priorité accordée à la richesse matérielle, nous sommes perplexes sur l’évolution du pays. Si comme Elias 17 ans et son frère Labi, ou d’autres agriculteurs, entrepreneurs come Elona, autant de jeunes qui souhaitent rester en Albanie et développer des activités durables, font école, alors avec l’aide d’une paysannerie remarquable mais vieillissante, chacun pourra imaginer une harmonie du pays qui ne fera rougir plus aucun albanais et sonnera l’heure du retour des immigrés, toujours liés à leur famille et leur pays montagneux, le pays des aigles.
L’Albanie, c’est aussi les échanges avec d’autres voyageurs, comme Jean voyageur ferroviaire, polyglotte et curieux (lire notre brève)
Le voyage se poursuivra la semaine prochaine au Kosovo.
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