La traversée des villages fantômes en Espagne
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Barcelone, 19 mars 2022
Ce que les touristes voient
En 2022, l’Espagne est classé 14ième pays le plus riche du monde. Près de 75% de son PIB provient du tourisme, (22,5% de l’industrie et des services et enfin 2,5% de l’agriculture).
L’image que les touristes (donc pas loin de 100 millions avec ceux qui voyagent aussi en voiture, à vélo et à pied pour les pèlerins et les membres du Club Alpin) se forgent de l’Espagne est construite (très professionnellement) par des week-end passés à Séville, Valence et Barcelone, des semaines en été bord de la mer, quelques visites dans les pueblos blancos et beaux villages d’Espagne. Pays de gastronomie, de grands chefs étoilés, pays de tradition viticole, doté d’un très riche passé historique et d’artistes de renoms, pays accueillant et joyeux. Pour illustrer, quelques images du marché couvert La Boqueria de Barcelone, des stands incroyablement alléchants, vitrine merveilleuse de la gastronomie espagnole.
Ce que nous avons vu à 8 km/h de Barrancos à Barcelone, en passant par Séville, Malaga, Alméria, Valencia, par les petites routes de campagne
A vélo, hors des sentiers battus, la réalité nous apparaît moins attrayante. Passant d’un « Pueblo Blanco » à une grande ville, nous avons traversé de nombreux villages et villes moyennes évitant les routes de contournement aux lignes parfaites et aux ronds-points léchés. Nous nous y sommes souvent arrêtés, pour une nuit, une semaine ou pour trouver notre repas de midi (ou acheter de l’eau en bouteille plastique car il n’y a pas de fontaine, et l’eau du réseau est imbuvable au niveau due son goût chloré, terreux, souvent salés en bordure de mer).
De l’Andalousie à la province de Barcelone, un sentiment étrange a grandi, une sorte de tristesse, ou l’impression de vivre un hiver particulièrement rigoureux qui aurait cloîtré tous les habitants dans leur tanière, ou peut être d’arriver toujours aux heures de la sieste dans les villages…
Des épiceries sans produits locaux ou une gastronomie réduite souvent à quelques tapas surgelés, une impression de vide. Pas un petit fromage de chèvre frais ou sec comme au Portugal!
Dans quelques villages, presque une sensation de supercherie ou d’être arrivé dans un décor de film. C’est beau….
L’exemple de Balaguer – 20 km au Nord de Lérida, au pied des Pyrénées
Premier abord, c’est un très joli village, rues piétonne, voirie en ordre, déchets sous contrôle, installations coomunautaires en ordre.
Très vite pourtant, une drôle de sensation…très peu de vie sur la place, un unique petit restaurant qui ferme très tôt, les échoppes sous les estrades clauses ou les vitrines vides…On part se promener derrière la place… et là…
Tout le quartier historique tombe en ruine! Plus de 100 arcades commerciales fermées. Les quelques-unes ouvertes sont le fruit des efforts des services communaux. Les normes de réfection des immeubles étant strictes et rigoureuses, les propriétaires seraient dans l’incapacité d’entreprendre des travaux mais ils refuseraient aussi de vendre leur bien. Les habitants ont préféré investir dans du neuf et se sont installés Rive gauche. Il y a quelques années, la commune, consciente du dégât d’image d’une place historique délabrée, a lancé un programme de réfection des façades. Tout propriétaire pouvant payer la peinture se voyait offrir les heures de travail. Des programmes d’occupation ont permis la réalisation de tous ces travaux sur des maisons inoccupées et dégradées.
Dans d’autres villes, comme à Cervera, une sensation de finitude.
Souvent sur notre route, nous identifions au loin de jolis villages surplombant fièrement une vallée. Puis, en les traversant, c’est la déception profonde d’un immense gâchis, des villages vides, bâtiments historiques en désolation, dans la campagne, une agriculture de machines, sans homme ni animal, presque vide aussi…
Sur les 8000 villages que compte l’Espagne combien sont désertés? Beaucoup de villages ne compte plus qu’un habitant. En faisant quelques lectures sur le net, c’est en effet un problème connu de tous, depuis longtemps, dans un mouvement qui s’est accéléré ces 20 dernières années environ. De nombreux courageux, amoureux de leur pays luttent pour continuer à faire vivre leur village:
Des collectifs se villageois se sont organisés pour tenter de faire renaîre des villages, des mouvements politiques ont créés tel que « Espana Vaciada » (Espagne vidée »), la mise sur pied d’un ministère spécifique, de la Transition écologique et du défi démographique, des idées novatrices et presque poétiques ont permis à d’autres villages de ne pas mourir, ou encore cette annonce:
Même le tourisme mise sur des visite des villages abandonnés et l‘Etat tente de repeupler certaines régions avec des refugiés.
L’Espagne est riche mais perd progressivement ses villages (d’autres pays européens comme la France du Centre sont dans la même situation). Près de 50 % du PIB du pays est géré par 0,4 % de la population.
Les gens s’entassent dans des villes qui sont infernales de bruits, de pollutions diverses.
La commission des Nations unies sur la pauvreté et les droits de l’homme indique dans son rapport consacré à l’Espagne que 26,1 % de la population (et même 29,5 % pour les enfants) vivent dans la pauvreté en 2019. Bravo à ces paysans et amoureux de leur terre que nous avons rencontrés, ne faisant certainement pas partie des plus riches, mais qui en prennent soin, dans une approche à long terme, en favorisant la qualité de vie. C’est un travail précieux. Bravo également aux collectivités publiques (soutenues aussi par l’Europe) qui assurent un service public de qualité (transports, écoles, voiries, assainissements, énergies) tout fonctionne, mais pour une occupation inégale du territoire.