Axarquia-vallée des mangues: Maria 27 ans seule sur son île Bio

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Dans la région de Malaga, derrière ou à côté des grands buildings et autres urbanisations artificielles pour retraités nord européens, on cultive intensivement fruits et légumes pour l’Espagne et toute l’Europe. L’Axarquia, a toujours été une zone agricole propice ou l’on cultivait amandes, olives, figues, ail, raisin (mature). La globalisation des marchés et le réchauffement climatique ont permis le développement des cultures des fruits tropicaux: avocats, manques et quelques autres (papayes, fruits de la passion, litchis). La recherche de rendement maximum et de profit a généré le développement d’une agriculture conventionnelle très agressive. Maria, dès ses 20 ans, a converti l’ensemble des 4 fermes léguées par son père en bio, plus de 50 ha, dont la Finca Los Pepones. Elle se réjouit de voir d’autres jeunes agriculteurs prendre le chemin de la conversion, séduit par ses résultats, sans équivoque jusqu’ici.

Pourquoi la région d’Axarquia?

Cette partie orientale de la province de Malaga, de 1000 km carré en environ, au pied de la Sierra Tejeda y Almijara, avec un relief très escarpé, entre 0 et 800 m, jouit d’un microclimat subtropical. Les températures restent agréables toute l’année. Traversées par une vingtaine de petites rivières et avec une pluviométrie généreuse d’octobre à janvier, l’eau y était abondante.

Pourquoi des mangues et des avocats?

Il y a une vingtaine d’années, les qualités nutritives des mangues et des avocats sont largement communiquées et le marché global se retrouve face à une énorme demande. La mangue est en effet le fruit le plus consommé après la banane! Dès les années 2000, la région d’Axarquia commence à muter ses champs d’amandiers et d’oliviers en champs de manguiers et d’avocats. En 2016, l’Espagne est déjà dans le groupe de tête des fournisseurs pour le marché Européen (dont 99% des mangues sont originaires d’Axarquia), devant les les fournisseurs habituels: Sénégal, Brésil, Amérique du Sud, Pérou ou Chine. La proximité de l’Espagne avec les autres pays européens lui donne quelques avantages importants: facilité logistique, le fruit peut être récolté à maturité grâce au temps de trajet beaucoup plus court de livraison (ce qui donne au fruit un goût et une qualité largement supérieur), une consommation CO2 largement inférieur que les mangues d’outre-Atlantique. Les producteurs sont tout de même tributaires d’une fluctuation de prix importante face à la concurrence des autres pays et, pour entrer sur le marché international, doivent se soumettre aux normes légales sanitaires: bain désinfectants des mangues avant envoi, lustrage des fruits, respect des calibres, etc.

Notre rencontre avec la Finca Los Pepones

En nous ballant sur le net, nous avons appris un peu par hasard l’existence de Maria et de la Finca los Pepones, ferme cultivée en bio ( https://lospepones.com); (https://www.facebook.com/fincalospepones/). Nous l’avons contactée par mail pour lui proposer une rencontre. Elle nous répond chaleureusement mais nous n’avons pas son numéro de téléphone. Deux jours avant d’arriver chez elle, nous lui donnons rendez-vous. Sans réponse rapide, nous décidons de nous rendre sur site.

Nous pénétrons donc dans cet immense jardin de l’Axarquia. Tout est cultivé, pas une herbe n’échappe au domptage! Los Pepones est un petit village perché. Arrivés en haut, le grand portail de la finca est fermé…Suants, nous ne sommes pas près de redescendre pour y revenir le lendemain.

Nous entrons dans une ferme voisine et cherchons âme pouvant nous orienter. Après avoir fait connaissance de 12 chiens plus bruyants qu’accueillants, nous rencontrons José Antonio, qui, timidement, revient de son champs de mangues. Nous lui expliquons notre démarche, il nous décrit comment il cultive plusieurs milliers de manguiers à la main, sur un terrain en pente…L’échange est très chaleureux. Il nous informe que Maria n’habite pas dans la ferme mais que nous pouvons aller dormir sur son terrain pour la nuit. Il préfère apparemment nous voir un peu plus loin que sur ses terres…Il nous indique comme faire le mur pour entrer chez Maria.

La photo traduit mal la pente de 45% à gauche de José Antonio, dans laquelle il a planté ses manguiers

Nous nous exécutons, informons par mail Maria que nous sommes dans ses manguiers, et installons notre bivouac…Magnifique coucher de soleil, vue sur toute la vallée, premier repas après la coucher de soleil dans une température agréable.

Comment sauver les manguiers et les avocatiers cette année de sécheresse?

Le lendemain, nous levons le camps rapidement. Les premiers ouvriers arrivent vers 7h30 et Javier vient nous saluer. Un peu mal à l’aise d’avoir dormi chez un hôte sans son accord, il nous rassure chaleureusement et nous dit que Maria viendra nous rencontrer à 11h00. Nous engageons la discussion et le lançons sur la question de l’eau. Sans surprise, il nous transmet l’inquiétude de tous les agriculteurs. La région, réputée pour son excellente pluviométrie, attend toujours les pluies de septembre passé…les petites rivières sont sèches, les cuves sont vides. La question urgente de l’année sera pour tous: comment éviter que les arbres meurent?

Les avocatiers (Percea americana) sont déjà en grand danger. L’avocatier est un arbre des forêts tropicales humides et contrairement au manguier qui peut supporter des périodes des sècheresse, il a besoin de beaucoup d’eau. Par contre, il ne supporte pas le sel. Or, les pompes de la région ayant vidé les nappes phréatiques avec une surexploitation de l’eau ces 20 dernières années, la mer s’est infiltrée et l’eau actuellement est passablement salée…Ayant dormi sous les manguiers, nous avons ressenti dans notre chair ce désert, le sol dur, nu, sans herbe. Pas d’insecte ni d’oiseau. Premier bivouac sec, sans rosée le matin… Javier nous explique qu’en cette saison, la terre devrait être recouverte d’herbe. C’est la première fois qu’il vit une telle situation, bien que les 3 dernières années ont été déjà difficiles. L’année passée nous raconte-t-il, lors d’une journée exceptionnellement chaude en août, il a vu les mangues fondres…et tomber. La finca a perdu 50% de sa production en une journée. Javier repart et nous attendons Maria. Les enjeux dont de taille.

Maria, 27 ans:  »le bio est une question de survie »

Maria arrive à 10h30, laissant un couple d’allemands, clients de crowndfarming, venus visiter leur productrice de mangues. Dynamique, joyeuse, bilingue, elle nous reçoit très enthousiaste. Fille d’un grand vendeur de fertilisants agricoles (sic…), elle nous décrit son parcours: petite fille, elle a passé ses week-end à la ferme, puis s’est naturellement orienté vers un Bachelor et un Master en agronomie. Dès ses 20 ans, son père lui remet la gestion de ses terres. Elle hérite de 4 fermes, toute cultivée en conventionnelle, plus de 50 hectares, dont 38 à la Finca Los Pepones. Son père, très septique, lui propose de tenter l’aventure avec une seule ferme. Quelques années plus tard, convaincus, le père autorise le passage en bio pour l’ensemble des terres.

Sur les terres de Los Pepones, le père de Maria à planté 7000 manguiers, de 2003 à 2006. Maria en a repris la gestion en bio. Ses mangues étaient vendues à cette période aux grossistes espagnols. Mais le bio n’est pas valorisé et est acheté au même prix que le conventionnel. Elle rejoint alors le réseau crowndfarming qui lui permet de vendre ses mangues à très bon prix, à des prix constants. Les contraintes de calibrage des fruits ou de lustrage n’existent pas et évitent un investissement important.

Nous avons été enchanté par la détermination et le courage de Maria. Jeune femme, encore minoritaire dans ce secteur, elle cultive de très bonnes relations avec ses collègues paysans et elle a su de toute évidence se faire une belle place. Curieuse et créatrice, elle devra faire face à ses conditions météorologiques difficiles en innovant! De notre côté, nous lui commanderons quelques mangues dès notre retour en suisse, c’est sûr!

4 réponses

  1. ehrensperger Monique dit:
    Ça fait vraiment peur ce manque d'eau.Ici aux Açores aussi. Quel courage Maria .Bravo!
  2. Hello Ah si j'avais su que vous alliez chez Maria je vous aurais donné pour mission d'aller rendre visite à mon manguier que je parraine dans son verger. Les mangues sont excellentes :) C'est incroyable, le monde du bio est bien petit. Bon voyage les botanistes et continuer à nous faire rêver avec vos récits.
    • Jean-Paul, il faut absolument que tu allumes un cierge pour avoir des mangues cet automne, car il faut vraiment de la pluie. L'exploitation est vraiment bio , mais il lui faut de l'eau. Dans quelques jours, nous irons voir notre producteur d'orange chez qui nos parrainons un oranger du côté de Valence. Salutations. Ph et Cécile
  3. Dufour-Fallot Brigitte dit:
    Au fur et à mesure de votre périple, la tragédie du manque d’eau devient de plus en plus criant. Néanmoins, je m’inscris, comme vous, pour commander des mangues au moment voulu au prix juste. Vos témoignages méritent d’être connus. Avez-vous prévu un cycle de conférences ? J’ai quelques idées de lieux si nécessaire !

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