Une semaine émouvante avec une famille kosovar
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Quoi de mieux pour comprendre un peu comment fonctionne un pays que de vivre quelques jours dans une famille ?
Nous découvrons le Kosovo, immergés au sein d’une grande famille d’agriculteurs au nord du pays. Pendant plusieurs jours, les membres de la famille se relayent pour nous guider, nous raconter leur histoire, évoquer l’histoire récente du pays, nous faire découvrir leurs cultures, leur cuisine, les réalités économiques, l’organisation familiale, les beautés de leur environnement, le tout, dans une générosité joyeuse et drôle.
Ismet a fait poser cette plaque dans le quartier. La famille Zogaj qui nous accueille est grande!
Notre hôte, Valdet, pourtant n’est pas présent. Ami de longue date de Cécile et chef d’une entreprise de déménagement en Suisse, il assure à distance notre accueil au Kosovo. Il est en Suisse et en étroite relation avec tous les membres de sa famille via WhatsApp, de très nombreuses fois par jour. Tout au long de notre séjour au sein de sa famille, nous serons surpris de la place que Valdet occupe dans les cœurs et les esprits. Fils de Bajram et Gjeran, Valdet a deux sœurs, toutes deux mariées et vivant dans les alentours de Pecs, et deux frères, dont un habite à Zurich depuis de nombreuses années et le deuxième, Ismet, entrepreneur et pilier de la famille au Kosovo, décédé jeune et trop rapidement à l’âge de 52, il y a quelques semaines, laissant une jeune femme veuve, Shuret.
Valdet, notre ami et le chouchou de la famille, l’organisateur de notre découverte du Kosovo et de sa famille. Il viendra nous rejoindre 2 jours, directement depuis la Suisse.
Nous arrivons dans une période de deuil. Quelques semaines après le décès, la tradition veut que pendant quatre jours, tous les amis, voisins et connaissances, viennent saluer la famille en guise de condoléances et de soutien. Valdet, accompagné de sa fille, nous rejoindra quelques jours plus tard le temps d’un week-end.
40 personnes nous accueillent !
Nous informons Valdet que nous devons passer par la capitale, Priština, pour nous rendre chez un mécanicien-vélo. La roue de Philippe est maillée. Ce genre de commerce est très rare au Kosovo et ne semble pas exister à Pecs où nous devons nous rendre. Ni une ni deux, Valdet nous informe que des membres de sa famille viendront nous chercher d’ici une heure…Deux voitures, 4 membres de la famille de Valdet arrivent pour nous ramener à Rugova, petit village agricole à côté de Pecs, qui sera notre lieu de vie pendant les 10 prochains jours.
En arrivant vers Pecs, nous ferons escale à Llozhane chez le sœur de Valdet, Lumnije. C’est la période de récolte des myrtilles (boronica). Lumnije s’est lancée dans cette activité il y a deux ans. Elle a décidé de supprimer ses vieux pommiers plus très rentables par cette nouvelle activité. Nous rencontrons donc de nombreux membres de la famille ce jour, dans les champs. Chacune et chacun est venu aider à la récolte. Nous nous installons sur de petits tabourets et nous participons à ce travail familial. Les jeunes parlent anglais et seront nos premiers interprètes. Pour ceux qui ne parlent que l’albanais, cette barrière ne semble pas être un problème. Chacun et chacune nous parle avec une immense envie de créer un contact et de se rencontrer. Le dialogue du cœur sera présent tout au long de notre séjour.
Vers 20h00, les travaux s’arrêtent. Avant de nous emmener chez les parents de Valdet pour nous installer, Lumnije part discrètement en cuisine et prépare un bon repas! Malgré l’heure tardive, l’intense activité des champs, Lumnije et ses fils nous accompagnent à Rugova, à près de 20 kilomètres.
Nous arrivons vers 23h30 à la maison des parents de Valdet, 20 autres personnes nous attendent. Les membres de la famille de Valdet, oncles, belles tantes, cousins, petits cousins, etc. Nous sommes reçus comme des rois. Nous rencontrons nos hôtes pour la semaine, Bajram et Gjeran, les parents de Valdet. Pour le reste de la famille, il nous faudra quelques jours pour comprendre l’organigramme familiale et le retenir. Les embrassades, accolades, poignées de main, bises, tapes amicales que les membres de la familles nous offrent dès notre arrivée ne s’arrêteront qu’à notre départ. Cette effusion affective ne nous est pas uniquement adressée. C’est une manière de vivre ensemble et d’être. Les jeunes issus de la diaspora qui arrivent pour passer leurs vacances passent du temps à câliner leur pépé ou à tripoter leur cousin. Les femmes aiment à passer du temps de causeries sur un canapé proche les unes des autres. Inessa, la fille de Valdet, 16 ans, venu passer ses grandes vacances d’été, me confie aimer passer du temps avec sa famille du Kosovo pour savourer cette chaleur débordante qui lui manque tant en Suisse.
Un accompagnement et un soin permanent
Pendant 10 jours, les membres de la famille se sont subtilement relayés pour nous accompagner, nous guider, être proches de nous et nous soigner. Sans un programme défini à l’avance et avec une sorte d’improvisation contrôlée, on nous a fait visiter ce que nous avions envie de découvrir : les champs et l’agriculture, la montagne, les cascades, les sources d’eau thermales, le monastère incontournable de la région, les grandes entreprises exemplaires de la région. Ayant évoqué notre intérêt pour les plantes médicinales, une rencontre avec le Doctor Professor botaniste du pays est organisée et nous pouvons visiter une magnifique entreprise de plantes médicinales.
A la maison, Shuret et les 2 sœurs, Nadjija et Lumnije, se relayeront pour toujours être présentes à nos côtés et pour soutenir les parents. Elles nous offrirons des repas délicieux, passeront des matinées à nous confectionner des flia, empilement de crêpes et de crème cuites au feu de bois, nous proposerons du thé et du délicieux café turc. Le soin est permanent tout en étant très discret et jamais envahissant. Un matin, Philippe ne trouve plus ses vielles chaussures de baroudeurs laissées sur le porche de la maison la veille….Elles sont présentes mais… méconnaissables, elles ont été nettoyées et cirées pendant la nuit…Nadijija, Shuret et Lumnija nous feront la discussion et nous ferons beaucoup rire.
Une des force du pays : un pays de jeunes formés et travailleurs
Les femmes sont au service de la famille et de la maison. Cuisiner, cultiver les légumes (poivrons blancs, tomates, concombres, cornichons, salades, basilic, etc.) et s’occuper du bétail, nettoyer et décorer la maison de fleurs… Société patriarcale oblige, répartition des rôles. Mais on mise tout sur la formation des jeunes, garçons ou filles. Par exemple, dans la famille de Furia et Malouch, l’oncle de Valdet, 4 enfants, trois filles, un garçon. Toutes et tous aux études. Melissa cumule la réalisation d’un master et d’un travail dans une entreprise pour financer ses études. Floriana, sa grande sœur, est à la recherche d’un sujet pour démarrer sa thèse de doctorat. La troisième est en Suisse, formée et travaillant. Le fils termine son gymnase et poursuivra des études à l’université. Les 4 enfants parlent parfaitement l’anglais. Les parents les soutiennent, les encouragent tout en leur inculquant les valeurs de respect, de famille, de travail dur. Si les traditions se perpétuent, la répartition des rôles d’érodent et changent de frontières.
Les deux fils de Lumnije, Elnis et Elian travaillent dur la semaine dans des entreprises et se mettent au service de la famille le week-end. Travaux dans les champs avec leur mère, service taxi pour tous les membres de la famille mais aussi service du thé, café, eau pour les nombreux voisins et amis venus saluer la famille pendant les funérailles.
Le pays est jeune. 50% de la population a moins de 25 ans.
Le socle du Kosovo : la famille
Nous avons été très touché de voir comment les membres de la famille prennent soin des uns et des autres. Les membres de la diaspora ont participé activement à la reconstruction des maisons, dans la famille de Valdet et aussi dans tout le pays. La diaspora présente essentiellement en Suisse ou en Allemagne, les quartiers ressemblent donc étrangement à la Suisse…jardin propre en ordre, architecture de petites villas. Nous ne sommes pas très dépaysés. En nous baladant en montagne, de nombreux petits chalets et nouvelles petites stations de ski. Les membres de la diaspora viennent très régulièrement au pays, rendre visite aux parents quelques jours, à l’instar du frère Nourradin, le mari de Lumnija, homme vivant à Zurich depuis près de 30 ans, à l’allure du parfait zurichois fashion, parlant un allemand impeccable et venu en quad rendre visite à sa famille en ce début d’été.
Les membres restés au Kosovo prennent soin des uns et des autres. Régulièrement, on dort chez les parents pour leur tenir compagnie. On vient leur rendre visite tous les jours. Ils sont comme le symbole du cœur de la famille. Les sœurs de Valdet se relayeront pendant les vacances d’Inessa, la fille venu passer ses vacances au pays. Les sœurs quitteront leur foyer à tour de rôle, quelques jours, pour passer du temps avec Inessa. En cette période de deuil, Shuret vit un moment très douloureux. Toute la famille prend soin d’elle. Elle a décidé de quitter la maison de son mari mais reste un membre à part entière de la famille. Valdet nous explique qu’au Kosovo personne ne dort dehors, la famille sera toujours présente lors de coup dur.
Une idée de projet qui intéresse toute la famille
Malouche demande à Philippe dans quel domaine il investirait au Kosovo. Ni une ni deux, Philippe répond à la question le jour suivant, en présentant à la famille un projet de panneaux solaires…Le sujet intéresse. Hassan, autre oncle de Valdet, connait la thématique et est très intéressé. Il déborde de questions. Les jeunes reviendront les jours suivants pour approfondir le sujet avec Philippe. Le projet pourrait démarrer si l’une ou l’un d’eux se saisit du projet. Les adultes leur laissent la place et les encouragent. Malouch et sa femme Furia reviennent les jours suivants avec de nombreuses questions. C’est peut être Valdet qui fera le lien. Il est justement en train de rénover une grande ferme en Suisse. Il va essayer le premier cette technologie.
Dans nos visites d’entreprises et rencontres au Kosovo, nous avons toujours découvert des entreprises familiales, lancées souvent par le père revenu de l’Europe de l’Ouest et repris et géré ensuite par les jeunes, filles et garçons, parfaitement formés et très ambitieux pour leur pays.
La souvenir d’Ismet, parti quelques semaines plus tôt
Shuret, dès notre arrivée a souhaité que nous rendions hommage à son mari, Ismet, parti quelques mois plus tôt à la suite d’une maladie foudroyante. Arrivés au cimetière, nous allons rendre hommage à cet homme reconnu de toute la famille pour sa force de travail et son sérieux, mais aussi par ses amis et voisins qui sont venus à plus de 4000 lors des funérailles qui se sont déroulées quelques semaines plus tôt.
Dans le cimetière, des groupes de tombes différentes. On nous explique que les belles places à l’entrée sont réservées pour les minorités rom et bosniaque. Un mémorial de martyrs tués pendant la guerre trône à l’entrée couronné du drapeau albanais.
Monument aux martyrs de la dernière guerre en premier plan, puis l’espace pour les minorités (rom et bosniaque), au fond l’espace pour les albanais du Kosovo.
Nous arrivons au moment du souvenir. Pendant 4 jours, amis, voisins et familles viendront rendre leurs hommages, dès 7h00 du matin jusqu’en soirée.
Lorsque nous nous levons, une dizaine de femmes sont déjà dans le salon, écoutant une prière. Les émotions sont fortes et la tristesse en reine. Les hommes sont dans une maison adjacente. Non pas qu’hommes et femmes doivent être séparés mais la pluie empêchent de nous réunir à l’extérieur dans le jardin. Deux salles sont nécessaires.
Pas du tout coutumiers de tant d’émotions et de ce type de traditions, nous sommes un peu perdus. Que faut il faire ? Comment se comporter ? Doit on porter une tenue spécifique ? Une jeune cousine vient à notre rescousse. Notre présence est bienvenue et aucune obligation. Nous nous demandons comment nous allons passer cette journée. A peine nous nous posons cette question que la journée est terminée. Toute la journée, salutations, émotions et discussions. Nous partageons les rencontres, les échanges. Et la journée se passe joyeusement. Ces jours de commémoration se déroulent par hasard au même moment que la fête de l’Aïd. En temps joyeux, la famille aurait fait à manger et fêter. En cette période de deuil, une retenue est de mise. Café, thé et eau. La chaleur humaine par contre est foisonnante. On pleure ensemble le grand homme parti et on revient vite dans la vie, comme pour soutenir ceux qui restent et les encourager à vivre, malgré la grande perte.
Ces dix jours riches, joyeux, généreux, émotifs, chaleureux nous ont permis de rencontrer le Kosovo par une petite fenêtre qui nous a donné envie d’ouvrir la porte, et d’y revenir.
En guise de remerciements, à Valdet et à sa famille, nous avons invité la famille a partager un repas que nous leur avons confectionné.
Les cuisines sont en principes séparées des salons et lieux de vie. Les femmes sont venues voir comment Philippe se débrouille en cuisine.
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