Pratique raisonnée d’une agriculture pérenne
Suivez nos aventures en recevant notre newsletter toutes les semaines, inscrivez-vous en cliquant ici puis renseignez votre nom et email.
Un cadre hors norme
Le domaine d’Aldo Bongiovanni se déploie sur 5 hectares dans un vallon situé à environ 500 mètres d’altitude avec un dénivelé de 100 mètres. Le vallon est sec. Orienté plein Sud il regarde Agrigente et la mer qui se trouvent à environ 30 km. Elle est nous est cachée par une grande chaîne de collines de 5-600 mètres de hauteur. La vue sur le village en face de San Angelo, les petites vallées, 300 mètres plus bas est époustouflante. Un régal de vallons et de petites falaises et pitons rocheux.
Nous sommes dans l’unique vallon de la zone à être arborisé, protégé des feux par sa verdure insolente comparée aux champs et vergers secs sans couverture végétale qui l’entourent. La terre est argileuse, une couche d’environ 1 mètre qui glisse quand elle n’est pas retenue par des rochers ou simplement des racines de grands arbres. Sous les arbres 5 cm d’humus abrité du soleil.
Une gestion de l’eau rigoureusement adaptée au climat
Le vallon est sec, un ruisseau collecte en cas de pluies fortes les eaux qui sont stockées dans un bassin colinéaire tampon de rétention. Ces jours, c’est une jungle humide de 30 m2. 3 jours de pluies environ 40 litres/m2 qui vont gonfler les particules argileuses. Aucune culture de légumes, ni fleurs, ni arbres, ni condimentaires ni médicinales n’est irriguée. Seule la pépinière de vivaces et plantons est humidifiées tous les jours. Des citernes circulaires en béton préfabriqué ou polyéthylène de 5’000 litres sont disposées en amont des chalets du domaine et ravitaillées par une camionnette citerne. L’eau vaut 1 euros le mètre cube comme chez nous à Mollens, sans les taxes d’épurations inexistantes ici mais qui nous portent le m3 à 7 francs en suisse. L’eau du réseau ne parvient pas jusqu’au vallon. Elle est potable mais non recommandée à la consommation, chlorée et contenant du bromure. L’eau potable pour la table est acheminée par Aldo avec des bidons de 10 litres rempli d’une source ‘’propre’’ idem de pesticides et restes d’engrais, à …15 km…
L’eau est donc depuis des décennies, rare, précieuse. L’endroit reçoit 500 mm/m2/an contre 1’150 mm chez nous au pied du Jura suisse. Tout est fait pour l’économiser. Il s’en fait livrer par camionnette quelques m3 par mois.
Si nous avons découvert au Portugal et en Espagne que toutes les cultures étaient sous irrigation, en dessous de la latitude de Barcelone, ici on cultive avec un minimum d’eau, l’arrosage est réservé aux pépinières de semis. La grande spécialité, c’est la tomate sicilienne qui pousse lentement avec un minimum d’eau et produit une excellente sauce tomate en fin de saison, ayant besoin de peu de séchage. L’eau est récupérée de tous les toits disponibles à contrario des villages que nous traversons sous la pluie et dont les maisons rejettent dans les eaux grises toute l’eau de pluie………..
Pour économiser l’eau, le secret d’Aldo, c’est la couverture végétale à 2 niveaux :
- Des arbres qui ont tous une finalité d’herboristerie ou fruitière (lauriers, fruitiers, pistachiers, frênes, peupliers dans les zones humides)
- Une couverture d’herbes, qui ont toutes une finalité d’herboristerie, de condimentaire, alimentaire, ou multiplication d’espèce s rares et ou locales.
Pour améliorer le pouvoir de rétention en eau du sol, il pratique l’enfouissement sous une plantation de légumes, de feuilles grossièrement hachées de succulentes (aloès, agaves) qui font office de substrat hydrophile et se décomposent lentement.
5 mois sans pluies et des mousses sur la terre dans le potager couvert de graminées et légumineuses.
A contrario de ce nous voyons en Espagne et en Italie dans 90% des cas, la terre chez Aldo, comme chez de rares adaptes de la culture traditionnelle, n’est jamais visible sauf pour la période de plantation du potager. Sous les fruitiers, les oliviers, les amandiers, les agrumes, il y a toujours des herbes.
Les jeunes plants sont mis en terre dans un trou rempli d’une poignée de terreau humide fait maison, qui stimule la microfaune et flore du sol, arrosé de max 1litre par plante, puis recouvert de terre sèche… et basta pour la saison. (Nous l’avons expérimenté dès notre arrivée par des repiquages d’origan, millepertuis, thym, et vu sur des tomates repiquées fraîchement).
La biodiversité en majuscule
Nous ne sommes pas dans les discours électoraux des partis écologiques citadins qui déclinent les plans élaborés par des ingénieurs souvent en mal de pratique, chez Aldo, quand on parle d’herbes, c’est entre 10 et 40 espèces par mètre carré.
La biodiversité est partout, sans forcément connaître toutes les synergies entre chaque espèce, notre hôte respecte la règle basique du mix végétal:
- Potager avec des lignes de moutardes intégrant des mauves tous les 70cm, ligne alternée avec des petits pois, alternés avec des fèves, alternés avec des aromatiques, avec des légumes, avec des graminées sauvages, avec des vieilles variétés de blé, d’avoine, de trèfles
- Vergers avec alternances d’agrumes (Racines superficielles) avec des amandiers (racines pivotantes profondes, avec des oliviers (racines superficielles) avec des pistachiers, figuiers,
- Plantes endémiques, présences disséminées et également distribuées d’agaves Dans les grandes pentes et mini-falaises rocheuses), lentisques, cyprès, pins, opuntia sans épine, caroubiers.
- Plantes méditerranéennes : romarins, absinthes, lavandes, fétuques, genêts, euphorbes arborescentes, cinéraires, santolines, acanthes dans les sous-bois.
- Légumineuses/fabacées en pagaille : trèfles, luzernes, vesces, mélilots pour enrichir en azote et assurer une production mellifère.
Petits pois, moutardes, graminées et mauves
La biodiversité florale est présente partout, elle attire de fait une quantité d’insectes, d’abeilles (sauvages et domestiques), de reptiles (lézards, geckos, serpents, grenouilles, crapauds). Les oiseaux sont très présents, loriots, pigeons ramiers, coucous, merles, corneilles, chardonnerets. Suite aux incendies de la région, une grande partie de la faune s’est réfugiée dans le vallon, où il y a aussi toujours de l’eau à disposition même l’été.
Le grand travail de l’herboriste c’est de cultiver et développer des collections endémiques et thématiques (De nombreuses plantes proviennent d’Amérique via des échanges avec d’autres biologistes):
- Succulentes (300 variétés), des agaves, des aloès
- Cactus (collection d’opuntia en rivalité avec celle de l’Orto Botanico de Palerme)
- Condimentaires (menthes, sauges, romarins, origans, boldo)
- Plantes complexes ou sensibles d’usage comme la jusquiame, la mandragore (une de ses plantes fétiche (En Suisse de 90% des endroits, elle risque le gel), iris officinal, belladone, chanvres.
- Acacias (mimosas-eucalyptus)
- Agrumes siciliens, plus de 20 variétés
Des semences chargée d’un patrimoine génétique local
La terre est cultivée en bio depuis plus de 40 ans, dans une parcelle arborisée depuis plus de 60 ans. Nous sommes dans un vallon plus humide et protégé. Les processus culturaux sont respectueux des bases de l’agroforesterie, le niveau phyto sanitaire des plantes est exemplaire, dû certainement aux facteurs précités, mais surtout à la qualité des graines, adaptées au climat, au sol, aux contraintes culturales locales.
Aldo n’achète pas ses graines, il les sélectionne, les renouvellent, en échange avec des partenaires locaux. Il travaille sur des souches siciliennes. La notion de graine F1 lui est inconnue et surtout incongrue, partisan de l’échange de savoirs, de semences. Dans son potager, il assure le renouvellement de ses collections de céréales anciennes en les intégrant à ses lignes de légumes de saison. Nous avons récolté les graines de moutardes au milieu de l’avoine. Nous avons repiqué des origans protégés du soleil par des céréales de vieux blés. Pour ses tomates et autres légumes, il sème directement en plein champs et dépresse, pour les repiquer avec un espacement suffisant. Pour lui , aucune différence entre une tomate repiquée et une tomate semée sans repiquage. Clairement la semence est adaptée au type de terre ultra lourde, argileuse et ultra-sèche en surface. Il a est lié avec plusieurs universités dans leurs programmes de maintien et renouvellement des espèces endémiques, tous types de végétaux confondus
Polydisciplinaire et ouvert sur le monde
Au-delà du site, de son historique, Aldo s’inspire à l’instar du céréalier français Philippe Houdan de plusieurs courants de pensées et pratiques culturales :
- Pratiques ancestrales de culture sicilienne
- Rudolf Steiner et ses préceptes de biodynamie
- Astrologie : la lune et les astres, cycles astraux
- Esprits des lieux – mythologie, fantastique, respect des éléments fondamentaux (air, terre, feu, pierre, métal, eau), ésotérisme
- Pensée positive permanente, confiance en la nature, respect des animaux, de la vie
- La permaculture
- L’agroforesterie
- Géobiologie
- Extraits fermentés
- Sélection génétique massale (traditionnelle)
- Greffage
- Echanges d’informations avec les scientifiques du monde entier.
- Liaison avec les universités de botaniques italiennes
Pour conclure,
Attaché à sa terre, fatigué des combats écologiques, il ne se déplace plus mais reste totalement à l’écoute des visiteurs du monde entier qui se déplacent pour le visiter et échanger. En 8 jours, nous avons vu des groupes australiens, anglais, suisses, guides italiens, un flux d’énergies positives et bienveillantes avec des préoccupations et des solutions très pragmatiques, nous ne sommes pas dans un camp de baba cool attardés….
La somme des pratiques susmentionnées doublée d’une attention quotidienne, donne un résultat extraordinaire qu’aucun jardin botanique, parc anglais n’arrive à donner dans un contexte de culture 100% biologique et locale.
3 réponses