L’homme qui aimait les plantes corses – Stéphane Rogliano, multiplicateur
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Porto Vecchio 30 mars 2022
Nous avons tous pleuré avec le film « L’homme qui murmurait à l’oreille des chevaux », nous avons étés émus par le livre de Jean Giono » L’homme qui plantait des arbres ». Nous avons rencontré l’homme qui aime observer les plantes corses et qui les multiplie.
Rencontrer Stéphane Rogliano, au milieu de ses plantes, c’est pour un herboriste, la même excitation qu’un gourmet partageant quelques instants avec un grand nom de la gastronomie. Tout ce que vous aimez, tout ce que vous recherchez, Stéphane Rogliano vous l’offre.
Stéphane Rogliano, nous fait découvrir sa nursery personnelle: une collection de plantes destinées à compléter son jardin botanique corse
Connu comme le loup blanc, on ne compte plus les émissions de TV nationales et locales. Nous avons essayer de préparer notre entretien. Primé en 2012 pas le Panthéon anglais de la profession (Chelsea Flower Show organisé par l’unique Royal Horticultural Society-525’000 membres), chacun nous le recommande avec respect et retenue. « Aller voir Stéphane, vous allez vous régaler ». Un conseil maintes fois prodigué lorsqu’on demande une adresse d’un producteur de plantes médicinales. Ils sont peu nombreux en Corse, disséminés et discrets, les vrais producteurs de plantes aromatiques.
Les plantes du Maquis
Un homme de multiples activités, toutes liées aux plantes corses: le site de production, les plantes du Maquis, le jardin botanique, les balades avec un nez, le magasin des producteurs.
Autant d’activités construites par Stéphane, fort d’une carrière longue et riche dans le domaine des plantes aromatiques. Il nous raconte son parcours évolutif qui l’a fait passé de producteur/multiplicateur à transmetteur de savoirs, d’envies, de respect de la nature. Homme de la terre, devenu naturaliste, contemplatif dans la nature et mobilisé pour la défense des produits corses, il est diplômé du Brevet d’accompagnateur de moyenne montagne.
Après une phase de présentation, nous « prenons directement le *maquis ». *La garrigue, m’a-t-il précisé d’emblée, c’est le biotope lié au calcaire, la région de Bonifacio, ici, à Porto Vecchio, nous sommes sur du granit, générant un sol plus acide.
Le régal
8 km au- dessus de Porto-Vecchio, nous entrons dans le jardin d’Eden, jardiné par 8000 ans de nature, sangliers inclus. L’homme du passé et du présent s’est concentré sur des terres plus planes, plus irriguées situées en aval, moins caillouteuses. Il a laissé la nature se charger d’occuper, par une distribution soigneusement réfléchie, une large part du territoire de l’île.
La densité du maquis est telle, que peu de sentier ou de chemin trahi la présence de l’homme, ce redoutable prédateur. Si la Corse compte 300 plantes endémiques, (pour les botanistes, apprendre par coeur la Flora Corsica, co-écrite par Jacques Gamisans (actif au Conservatoire botanique de Genève- étrange similitudes protocolaires avec Flora Helvetica et le Binz), tout l’inventaire méditerranéen nous passe sous les yeux, et surtout sous le « nez ».
Stéphane, muni d’un petit sécateur, prélève avec respect quelques branches, quelques pousses, nous les fait sentir, humer, se délecter, deviner, ou nous déboucher le nez avec des essences d’une force, qui en tant qu’habitants du Nord nous surprend.
Teucrium Marum Germandrée marum, lamiacées, une herbe à l’odeur forte qui provoque chez le chat des changement de comportements sexuel, nous apprend Wikipédia, mais qui est utilisée en homéopathie pour traiter les maladie de peau, prurit.
Filiaire à feuille étroite, Phyllirea angustifolia, en plein floraison, identifiée en Sardaigne et revu à Porto-Vecchio qui exalte une odeur magnifique légèrement vanillée.
La myrte – Myrtus communis, plus grosse densité méditerranéenne concentrée en Corse, un buisson dont les feuilles rappellent l’odeur des églises grecques, quand on les froissent. Une odeur caractéristique, sans compter l’odeur délicate des fleurs séchées avec un soin qui permet à la plante d’exprimer toute sa puissance odorante et enivrante, 6 mois après sa récolte.
Notre guide nous fait la lecture de l’histoire naturelle du maquis à travers la description des souches, des cépées, nous apprenons que certaines espèces dont le tronc central est coupé, ou détruit par le feu, repoussent autour du vide laissé. Nous le constaterons sur des chênes verts (Quercus ilex) et les arbousiers –Arbustus unedo. Il reste très serein sur l’adaptabilité des plantes du maquis par rapport aux évolutions du climat. Observateur, il remarque que les plantes, naturellement, s’adaptent aux grosses chaleurs, réduisent leurs surfaces foliaires, leurs fruits, pour repartir dès que l’eau arrive.
Proche de la mer, les affleurements de roches, qui devraient être stériles, regorgent de plantes qui se logent dans les fissures (Lavendula stoecchas – Sedum caeruleum, fougère de la famille des Pteridium qui se cache sur les parties Nord des fissures)
Un art de raconter la plante
Grand pédagogue, il s’adapte à tous ses auditoire et sait surprendre par des anecdotes techniques, sociologiques ou historiques. Stéphane, c’est le »Jean-Marie Pelt » corse (Père de l’écologie européenne) Nous croyons tout savoir sur la lavande papillon, Lavendula stoechas, et bien non. Gentiment, Stéphane Rogliano, nous demande de préciser l’endroit de la plante sur lequel l’abeille se pose, L’abeille ne se pose pas sur les 2 ailes mauves de son sommet qui sont des bractées et non des pétales. L’abeille se pose sur les fleurs alignées en bandes verticales- stoïques). Voilà, si nous pouvions résumer une ballade botanique avec Stéphane, c’est un art consommé, d’initier, d’intéresser, d’enrichir de connaissances, d’anecdotes, de données botaniques, un spectre de connaissances ultra large, qui vous fait aimer les plantes et la Corse.
Le grand projet
Après 45 ans d’une vie consacrée aux plantes aromatiques, plantes du maquis, la troisième mi-temps sera pour Stéphane, l’achèvement d’un jardin botanique, 100% corse, didactique, gratuit et ouvert au public, au pied de ses serres, un projet démarré il y a de nombreuses années et qui lui tarde d’accomplir.
Derrière l’exégète de la plante corse, se cache un redoutable multiplicateur, exigeant
Le métier profond de Stéphane Rogliano, on le retrouve dans chaque instant de sa vie professionnelle. Pendant que certains d’entres nous bétonnent, consomment, rêvent, publient des « posts » écolos de bon aloi, Stéphane mobilise toutes ses forces et celles de son équipe pour démultiplier cette nature endémique.
Entre deux opérations de bouturage classique, de repiquage, rempotage, nous avons appris à donner un coup de pousse à la nature en facilitant la germination de graines de genévrier Juniperus oxycedus, par un travail minutieux de chaque enveloppe contenant 3 graines, (élimination de la pulpe, scarification de l’enveloppe dure de la graine afin que le germe puisse sortir en quelques semaines et non quelques années. (cf étude marocaine sur le sujet) .
Merci Pauline pour ton encadrement sur le semis du genévrier et la transmission de tes découvertes sur les techniques de scarification douce des graines!
Les plantes du maquis ou du marquis?
Multiplier la nature sauvage et rebelle, ne nourrit pas son homme, ni la demande locale en basilic, tomates et autres plantes condimentaires. La vente de tisanes mono espèce ou de mélanges subtils se développe récemment, en complément d’une production saisonales de plantes aromatiques. Nous apprendrons toute la précision du repiquage des semis de tomates pour assurer un 100% de réussite du planton et de son enracinement.
Merci Fatima, merci Julien pour vos riches explications, votre patience et indulgence.
Conclusion: 3 jours dans les serres de Ferruccio, 3 jours mémorables
Nous avons été jaloux de son thym ERBA BARONE, Thymus erba-barona, une plante tapissante au goût puissant, avec plusieurs chénotypes (Poivrés- citronnés, mentholés et miellés), une plante repérée depuis longtemps par les grands chefs cuisiniers qui viennent s’approvisionner en plantes gustatives rares et savoureuses (Nous avons goûté un Basilic africain incroyable (Oncinum kilimandjaricum). Ne passez pas à côté du Micromeria, famille des Nepetodiae, au goût prononcé!
Nous avons surfé sur un monde de la plante corse que nous ignorions. 3 jours avec un « maître », un passeur de savoir, qui nous a rendu des adieux tristes mais annonciateurs d’un contact à maintenir et d’une irrésistible envie de revenir donner un coup de main à la mise en place de ce projet merveilleux de jardin botanique corse. Merci Stéphane pour ton accueil chaleureux et attentionné, merci à toute ton équipe bienveillante et tellement motivée par tes projets!
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