Les porcs vivent l’enfer dans une oliveraie millénaire
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3 mars 2022- 100km au Nord de Valence: Pour choisir nos itinéraires, nous utilisons les services de Google map et de l’application Map me.
Nous nous déterminons en fonction de plusieurs indicateurs: lieux d’intérêt, dénivelés, nombre de km à parcourir. Mais parfois, nous nous laissons surprendre par Google qui prend quelques libertés et nous sort des sentiers battus pour nous positionner sur des chemins inexistants, ou des escalades de barrières ou des chemins adaptés aux motos de trial.
Après une matinée dans des champs d’amandiers en plaine, nous sommes montés en altitude et nous nous retrouvons en pleine pinède, joncs, cana et des champs d’oliviers visiblement très vieux. Les quelques bouteilles accrochées aux branches des arbres nous indiquent que la lutte contre les mouches est écologique, les murets des terrasses sont tous très bien entretenus, les troncs et les arbres sont majestueux …Nous sommes heureux de penser qu’un amoureux de sa terre prend soin différemment de ses arbres plusieurs fois centenaires. Les chemins en terre caillouteux ralentissent fortement notre route et la rende ardue. Les dénivelés sont plus tranchés. Mais la douceur et la beauté de ce paysage nous charment. Depuis longtemps nous n’avions pas senti de si bonnes odeurs et observés des paysages sans urbanisation à perte de vue.
Arrivant vers le village de Canet lo Roig, un panneau nous arrête : « oliviers millénaires ». Cette beauté est donc bien plus que l’œuvre unique d’un passionné, il s’agit une zone protégée par l’Etat qui a dû légiférer pour que cette richesse naturelle ne disparaisse pas derrière d’autres desseins de fortune et grandeur. 1131 oliviers millénaires, de la variété Farga sont donc protégés et mis en valeur autour de ce village, plus de 5000 dans la région de la Sénia. Eblouis, nous avons choisi de bivouaquer dans un champs d’oliviers.
Dans ce décor chargé d’histoire, des cris et des odeurs nauséabondes heurtent nos oreilles – une odeur constante et pestilentielle sur 80 km nous dérange.
La cause? Depuis Salzadella jusqu’à Tortosa au moins, éparses mais régulières, des usines à cochon ponctuent le paysage, relayées par des épandages de lisiers dans les cultures d’oliviers « bio » et conventionnels (chimique).
Nous sommes très loin des belles images du cochon noir gambadant dans les forêts de chênes! Des millions de cochons sont engraissés au milieu de ces oliviers et leurs déjections massives, composées d’antibiotiques et de nourriture transgéniques, viendront polluer les sols des arbres majestueux. Des milliers d’hectares d’oliviers, seuls sans vie, sans animaux. Les cochons s’entassent dans des baraquements et ne verront jamais la lumière du jour. L’Huile d’olive de la Sénia est certifiée bio et vendue à prix d’or. Nous croiserons sur notre route de 80km une porcherie tous les 500 mètres, pour le reste Google Map est très explicite.
L’Espagne est le deuxième producteur de porcs après l’Allemagne, avec plus de 56 millions de porcs (46 millions d’habitants en Espagne) et a généré en 2017 plus de 6 milliards d’Euros de chiffre d’affaires. Le commerce extérieur a doublé en 10 ans avec la Chine comme grand client (12% des exportations). Les espagnoles consomment la moitié de la production.
Engraisser les porcs de manière industrielle génère quelques problèmes de taille: le porc est un grand producteur de nitrates (qui déversé sur les sols, polluent la terre et les nappes phréatiques), leur élevage contribue à produire les gaz à effets de serres (les fermes usines sont devenus en Espagne le 4ième producteurs de gaz à effet de serres du pays derrière les transports, l’électricité et l’industrie). Enfin, cette activité est grande consommatrice d’eau (15 litres d’eau/jour/animal). Actuellement, les projets de méga usines se multiplient. Ce secteur créerait plus de 260000 emplois en Espagne en milieu rural mais fait également réagir les milieux de défense de l’environnement. Plus que tout, cette odeur est le signe que ces animaux sont élevés dans des conditions inacceptables. D’ailleurs aucun paysan ne vit près de ses mégas usines. Certains habitants luttent pour éviter le développement de cette agriculture intensive grande génératrice de pollution mais aussi de non-respect des animaux.
Curieusement, nous ne trouverons aucun produit de charcuterie locale dans les épiceries qui nous approvisionnent tous les jours. Pas un jambon sec à la découpe, pas un salami, un pâté. Rien qui ne soit artisanal, local, garanti sain. Toute l’alimentation d’une épicerie de village provient à 99% de l’industrie agro-alimentaire espagnole, européenne voir américaine. Très interpellant dans une époque où les transports vont coûter de plus en plus chers.
Pour notre plaisir de gastronome, un immense vide, tristesse, pas une confiture, un miel local, pas de pain local, tout provient de processus industriels sans saveur.
Notre nourriture quotidienne, c’est du pain du fromage sous plastique (Au Portugal on trouvait tout ce que l’on voulait de local) des fruits secs et de l’huile d’olive bio de nos amis Benja & Ela de Maro. Des oranges , clémentines et avocats dont la provenance n’est pas locale. Bravo aux efforts réalisés par nos épiciers du Pied du Jura.
Vous l’avez compris, nous sommes désormais vaccinés des »Jamon iberico » et restons réservés, très réservés sur les labels.