Fin de saison à Corfou

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Corfou, Agios Gorgios, 26 octobre 2022

Nous avons vécu en début de voyage « l’ouverture de saison touristique » du pourtour méditerranéen. Tous les pays traversés d’avril à juillet nous ont bercés du doux bruit des perceuses, marteaux-piqueurs, Karcher et autres outillages témoignant d’une reprise en main du patrimoine immobilier. Depuis notre arrivée en Grèce, nous assistons au reflux des touristes et à la renaissance de la vie indigène.

Circulez, on ferme!

Nous traversons l’île en constatant chaque jour le départ des touristes. Sur la plage, les loueurs de pédalos, de parasols et de chaises longues, rentrent lot par lot leurs affaires, démontent, remisent sur les hauteurs leur gagne-pain pour le réutiliser l’année prochaine. Les hôteliers, les guides, les maîtres nageurs, tout le monde à le sourire. Le sourire d’avoir bien travaillé cette année, après deux années maigres liées au Covid. Dans les stations balnéaires, les hôtels, pensions, ferment les uns après les autres.

Chaque semaine restreint l’offre de guinguettes, restaurants, et Mini-Market. Le Mini Market, c’est l’institution de l’Est de la Méditerranée, jusqu’en Géorgie. Le Mini-Market, c’est une petite épicerie de quartier, adossée à la maison familiale, une institution locale qui ne ferme jamais, tenue jour et nuit par tous les membres de la famille en rotation. En fin de saison, on laisse les pépés faire la sieste, pour assurer la surveillance du magasin, un magasin qui se vide de ses marchandises en vue de la prochaine fermeture hivernale. Tout se passe gentiment, les stocks diminuent, les derniers touristes se contentent, heureux, de ce qu’il peuvent trouver encore. Le chiffre d’affaires annuel est réalisé, si vous payez en cash, c’est mieux, pas de ticket de caisse, simplification de la comptabilité.

100’000 habitants sur l’île, 1 million de touristes par an

Les chiffres de 2022 seront supérieurs à ceux de 2019, juin 2022 enregistraient déjà 300’000 clients contre 280’000 en 2019. Ces statistiques vont nous aider dans la compréhension de ce que nous voyons:

  • Des villages balnéaires récents, construits depuis 1960, sans aucune âme, ni beaux, ni laids, comparables à n’importe quelle zone de banlieue, avec toujours une ou deux verrues architecturales identifiables vingt kilomètres à la ronde. Un building de dix étages se remarque assez facilement quand il dépasse la hauteur des pins.
  • Des villages historiques sur les crêtes, bordant la mer et dans les crêtes de l’intérieur du pays, aucune construction dans l’humidité des fonds de vallées ni dans les ravins.
  • Dès le 1er octobre des établissements de bord de mer qui ferment très rapidement, les uns derrière les autres, et tout le commerce local associé, obligeant les rares touristes à quitter les plages pour remonter faire leurs courses sur les crêtes. (Nous avons logé sur les crêtes d’Afionas, puis quelques jours dans une crique balnéaire-Agios Gordios)
  • Des hôteliers qui ferment le 20 octobre pour rejoindre le continent (Nos charmants retraités, hôtes à Ermones)
  • Une recolonisation soudaine des campagnes dès le 15 octobre pour assurer la récolte des olives.

100’000 habitants et par extrapolation environ 70’000 lits à disposition des touristes, une proportion qui semble effarante. Cela signifie que sur l’île de Corfou, (restaurée après un hiver humide, des grandes marées, des vents, des pluies), 50% des infrastructures sont remise à neuf pour n’être utilisée en moyenne que 10-15 semaines suivant les objets. Corfou s’endors donc dès le 15 octobre dans un long sommeil avec des milliers d’hôtels, de chambres, de pensions, de piscines vides!

Nous pourrions être choqués, mais cette proportion n’est rien à comparé de notre chère Suisse, le seul exemple que nous connaissons vraiment: le village des Diablerets propose l’hiver 4’500 lits pour une population permanente de 1’500 personnes! Soit une population qui triple aux Diablerets avec les touristes, contre une population qui croît de 1,8 à Corfou, entre basses et hautes saisons!

La ruralité au secours de l’authenticité de l’île

Si les hôteliers ferment si vite à Corfou en Octobre, alors que la température de la mer reste cinq degrés au-dessus de la température maximum des plages de Bretagne, c’est pour plusieurs raisons:

  • Habitués à une sécurité météo, les touristes migrent vers des zones de « météo garantie » comme l’Aie, le Mexique, les Caraïbes
  • Habitués aux transports aériens low-cost, quitter l’Europe représente un effort financier marginal en période d’insouciance énergétique et éthique
  • Les hôteliers pour la plupart sont également des arboriculteurs locaux. Ils habitent sur les lieux de leur hôtellerie.
  • L’hiver, c’est la saison des oliviers, des agrumes

Le 15 octobre, dès que les touristes s’éclipsent, et rien n’est prévu pour les retenir, la saison des olives, à défaut de celle de la chasse, est ouverte. Ruée sur les 80% des surfaces planes, pentues, très pentues, pour débroussailler, couper les herbes sèches, les ronces, nettoyer les surfaces ombragées par les oliviers qui doivent bien représenter le 70% de la surface verte de l’île. Un nettoyage indispensable pour placer des filets qui vont faciliter la récolte des olives, qui commencent déjà à mûrir et tomber naturellement.

Les filets noires au pied des oliviers attendent la coupe des herbes sèchent avant d’être étalés sous les branches

Les sous-bois d’oliviers sont alors couvert d’un filet à mailles rigides noires, 100% de l’oliveraie est ainsi équipé. Nous recroisons alors des tracteurs sur la route, des pick-up, le bruit des débrousailleuse à main de l’automne remplace celui des perceuses du printemps. Bruits de tronçonneuses également, l’île se chauffe en hiver majoritairement au bois, bois d’oliviers, pins, chênes.

Ce rythme saisonnier nous permettra de comprendre pourquoi nos hôteliers étaient si sereins et calmes. Fatigués en fin de saison touristique, ils se réjouissaient de retrouver leur île, leurs bistrots, boulangeries pâtisseries, pour prendre une pause gourmande entre-deux et se consacrer à leur passion ancestrale: l’olive!

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