Scoglitti; des terres maltraitées
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Scicli, 14 mai 2022
Dès la sortie d’Agrigente, direction Syracuse, le paysage des collines du centre de l’île fait place à un plateau blanchit par les serres, sur environ 50 km de long. Un plateau qui se jette dans la mer turquoise, la côte Sud étant bordée de plages de sable peu profondes.
Paysage de la côte africaine entre Agrigente et Syracuse.
Une mer turquoise, des cultures entre 20 mètres et 100 mètres d’altitude sur une bande de 10 km de profondeur. Des cultures plastifiées entre des fruitiers, oliveraies, petits champs de céréales.
Les mêmes monocultures de légumes sous serres plastiques, sous ombrières, sous mini-tunnels plastique de 1.40 m de hauteur. Cultures maraîchères de primeurs, les petits pois viennent d’être récoltés, les melons également, ces mini-tunnel trop chauds durant l’été seront remis en culture à l’automne (D’ici là, la terre des dits tunnels est stérilisée naturellement par des chaleurs excessives – plus de 50°C lors de notre passage mi-mai avec des températures extérieures de 23°C, ne produit rien et se détériore…). Dans cette région, l’importance est de produire avant tous les producteurs d’Europe, sur un sol profond et sableux, à contrario d’Alméria ou il n’y a quasi pas de sol).
Ce paysage, nous l’avons déjà rencontré aux mêmes latitudes en Espagne – région d’Almeria (lire notre brève : le potager de l’Europe me donne envie d’aller chez le psy).
Même raisonnement pour les tomates, aubergines (Nous avons vu une entreprise en monoculture sur 1 km de long et 200m de large-200 hectares). Les serres sont en meilleur état qu’Almeria, les parcelles mieux tenues, moins de poubelles dans les cultures, mais toujours du plastique et aucune mention de culture BIO sur plus de 100 km de zone de production. Moins d’odeur de traitement, mais l’Italie en consomme 5.6Kg/ha contre 2.1Kg/ha pour la France et 2 Kg/ha pour la Suisse, 1.4Kg/ha pour l’Autriche (cf grand format Le Temps 2022). Mais attention, en Italie 2 à 3 rotations de culture contre 1 à 2 pour la Suisse……
Nous croisons sur les routes davantage de camions que de voitures, camionnettes de livraisons, l’individualisme prime sur le collectif, chacun se déplace et livre à des centres de tri, les coopératives créées dans les années 50 ont disparues, les faillites sont présentes partout avec des ruines industrielles partout, un terrain à l’abandon qui pourra, soyons positifs convertis facilement en Bio , par défaut de cultures.
Nous croisons les mêmes travailleurs nord-africains, déclarés ou non, le salaire net d’une journée est de 40 euros.
Les mêmes publicités pour des produits chimiques, des graines F1 stériles, qu’en Espagne.
En consommant en Suisse, des produits hors saison, pas chers, aucun doute, nous promouvons la mal bouffe, le travail au noir, le chimique, les transports camions diesel sur 2000km, l’apologie du plastique. Lesdits plastiques, rachetés en recyclage par les chinois et réexpédiés en Chine pour revalorisation en énergies ou sous-produits du plastique … renvoyés en Europe par navires port-containers.
Pourquoi la terre en Sicile est-elle aussi maltraitée ?
Cette question nous nous la sommes déjà posée en Espagne. En questionnant des exploitants espagnols, ces derniers nous ont rappelé que les grands propriétaires terriens restent les détenteurs des terrains avec des baux légaux ou illégaux peu stables, n’induisant pas un soin de la terre sur le long terme. Même question en Italie, et même réponse, avec une nuance en Sicile, les terrains sont détenus par des familles…. influentes… (sans commentaire, mais appréciation conservatrice, très conservatrice). En plus les baux sont à géométrie variable, donc aucun fermier n’est vraiment motivé au soin de la terre. Les rotations d’exploitants ne permettent pas une stabilisation des exploitations, cela donne un résultat à peine supérieur à celui de l’Espagne. Empire des décharges sauvages, tout le long des routes proches des villes et villages, plastiques dans les foins, plastiques dans la paille des moissons d’orge déjà récoltées. L’Etat réagit avec ses moyens en développant un programme de rachat et de distribution des terres, à sa vitesse.
Au niveau du paysage, à la différence de l’Espagne, l’expansion des tunnels plastiques reste plus intégrée du fait du respect parcellaire historique et du respect du niveau naturel du sol, les trax espagnols sont davantage utilisés pour niveler et enfouir ni vu ni connu un passé agro-industriel peu glorieux, pour en créer un autre.
La vigne sous serre plastique
Spécialité sicilienne qui fait mal à voir, toujours dans une idée de primeur sur les marchés Nord-européens, les belles grappes de gros raisins que nous connaissons bien sur les étalages suisses, n’ont pas de goût car ni le terroir ni la pluie ne sont intégrés au cycle de production.
Les serres étanches, en plastique filtrant 30% des ultra-violets produisent de magnifiques grappes irriguées par goutte-à goutte, à 2mètres de hauteur, permettant aux tracteurs de passer dessous, pour les traiter et les désherber, car pas une seule adventice à l’horizon ! Vive le raisin vaudois et valaisan bio en septembre !!!
Les serres étanches, en plastique filtrant 30% des ultra-violets produisent de magnifiques grappes irriguées par goutte à goutte, à 2mètres de hauteur, permettant aux tracteurs de passer dessous, pour les traiter et les désherber, car pas une seule adventice à l’horizon ! Vive le raisin vaudois et valaisan bio en septembre !!!
Conclusion
La pression des consommateurs du Nord de l’Europe génère les mêmes désastres en Sicile qu’en Espagne. Lot de consolation: l’hospitalité, la chaleur des habitants, les odeurs de fleurs d’agrumes, des genêts, jasmins, pois de senteur, pins et… gastronomie toujours sympathique et des villages patrimoines de l’Unesco à parcourir (lire notre brève Scicli, un village patrimoine de l’Unesco, sympa et vivant)