Mon père, ce héro!
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Un immense mémorial trône au bord d’une route. Le nom de huit femmes et deux hommes sont inscrits sur une plaque de marbre noir. Tous sauvagement assassinés en 1999. La plus jeune avait 13 ans, le plus âgé 85 ans. Tous de la même famille. De nombreux mémoriaux de ce type ponctuent les entrées de villages et les routes.
Deux messieurs bavardent dans le petit parc du lieu de mémoire. Ils nous saluent lors de notre arrêt et le père de famille nous invite à boire un café chez lui, dans sa belle maison en face de ce lieu de commémoration. ll prend soin du lieu et du puit dans lequel les 10 personnes ont été jetées. Il a perdu ses deux filles dans ce massacre perpétré par des serbes il y un peu plus de 20 ans. Il a reconstruit sa maison détruite, pendant la guerre, qui fait face à ce lieu de souvenirs chargé et fort . Il n’a jamais quitté ses terres. Il a continué à vivre, envers et contre tout.
Nous sommes accueillis par le père et la maman. Deux petites filles jouent au vélo dans la cour. Petit à petit, une jeune cousine parlant un anglais parfait arrive. Son père est mort pendant cette guerre. Elle avait 5 mois. Aujourd’hui, elle est en 5ème année de médecine. Puis arrivent de tous côtés d’autres membres de la famille. Ils sont discrètement appelés par SMS. Le fils du père, Liridon, arrive enfin. Linguiste, professeur d’anglais, patron de la chaîne de radio West 106.2 et très occupé à traduire des documents anglais/allemand/albanais, il prend du temps pour venir nous rencontrer. Dans l’intervalle, les femmes nous ont servi de la flia, des concombres et poivrons du jardin et du délicieux café turc.
Le Kosovo, tourné vers l’occident depuis l’intervention des Etats-Unis pour mettre fin au conflit, a déposé une candidature pour entrer dans la communauté européenne. Pour diverses raisons, le Kosovo n’en fait toujours pas partie et 5 pays de l’UE (Roumanie, Slovaquie, Espagne, Chypre, Grèce) ne reconnaissent pas le nouvel état autoproclamé après la guerre. Les habitants ne peuvent quitter la région qu’à coup de demandes de visa. L’étranger est aussi celui qui vient apporter des nouvelles de l’occident et qui peut être un porte-parole. Nous sommes donc les bienvenus et les discussions pourraient se poursuivre pendant des heures.
La guerre est évoquée sobrement… la fuite dans les montagnes, le combat, les morts. Ils évoquent le courage et la force des combattants morts au combat. Pas de haine ni de colère dans les yeux mais beaucoup de tristesse et de respect pour les absents. Liridon nous retrace la longue histoire de la région, depuis l’occupation ottomane, en passant par la période communiste de Tito, la guerre et la reconstruction tournée vers l’Europe. Il nous parle de sa langue, cette très ancienne langue européenne, belle et complexe.
Mais très vite, la conversation s’enchaîne sur les enjeux du présent, le futur des jeunes. Liridon, le professeur d’anglais au gymnase, parle de son métier, de l’importance de former les jeunes, de les motiver à apprendre et à se former. C’est l’avenir du pays qui est jeu. Liridon n’a pas voulu quitter le pays et préfère s’engager à construire le futur du Kosovo. Pour assurer les meilleurs formations à ses trois enfants, il cumule 3 métiers et cultive l’optimisme, la joie et de fortes valeurs tel que le travail, la ténacité, le respect. Il y a beaucoup à développer au Kosovo et il souhaite au fond de lui que les jeunes s’engageront dans ce défi d’inventer le futur d’un pays très jeune. Même si le système politique n’est pas encore très stable ici au Kosovo, tout est possible! Avec du travail, on peut tout faire! Il nous évoque ces femmes veuves et orphelines qui, après la guerre ont monté un projet fructueux de cultures de cornichons et de poivrons blancs (page facebook KB Krusha). Le film « Hive » de la réalisatrice Blerta Basholli en coproduction avec la suisse, retrace d’ailleurs cette magnifique reconstruction résiliente et féminine.
Mais il sait aussi que ses enfants seront appelés par la découverte du monde et de l’occident…Ils feront leur choix.
Puis le père, apprenant que Philippe est agronome, nous invite à visiter son jardin. Comme de nombreux jardins que nous avons vu au Kosovo: profusion et grande variété de légumes, arbres fruitiers, etc. ce qui permet aux familles une grande autonomie alimentaire. Le père tient à nous présenter son engrais favori: le purin d’ortie! Il a découvert cette technique sur YouTube et est ravi. En constatant quelques petits champignons dans sa serre, Philippe lui conseille le petit lait. Parfait! Il a deux vaches et pourra en obtenir très facilement. Ces échanges autour de la terre nous rassemble, le fils nous dira même que, pour un instant, nous échangeons tel les membres d’une même famille.
Le papa, résilient, n’a que très peu évoqué la guerre, ses souffrances, sa tristesse avec ses enfants. Il s’est tourné vers l’avenir et a donné un cadre sécurisant et bienveillant à ses enfants. Liridon nous avouera que son père est son héro. Nous apprendrons le soir même sur Facebook que nous avons rencontré la famille le jour de l’anniversaire du papa: ….Voici le message du fils à son père sur Facebook: «
« Au fur et à mesure que les années passent, tu es encore plus fort. Aujourd’hui c’est l’anniversaire de papa je te souhaite bonne santé longue vie. Je suis si fière de t’avoir ! Tu n’as jamais abandonné ! Tu as beaucoup vécu dans cette vie, mais ta forte résilience dépasse l’impossible. Vous nous avez appris à aimer notre patrie, à vivre avec le travail, le travail honnête, à être de la parole et de la foi, bien que notre société manque malheureusement ces vertus ! Nous, en tant que famille, avons vécu beaucoup de choses au Kosovo, aussi douloureux et tragique a été le meurtre de nos proches par des criminels serbes, tout aussi difficile a été la vie après la guerre de marge et la manifestation sérieusement pour les familles qui ont vécu l’horreur et tragédie, au contraire…Je suis reconnaissant pour chaque conseil !Tu es un HÉROS vivant !«
Nous nous quittons en nous promettant de nous revoir, en Suisse ou au Kosovo. Liridon a le projet de venir en Suisse et en Allemagne de tourner un reportage sur la diaspora albanaise.
Liridon nous encourage à aller à Istok et à gravir quelques 200 mètres pour avoir une magnifique vue panoramique sur la région. Il nous confesse faire cette heure de marche tous les jours avec ses enfants, pour faire du sport mais surtout pour transmettre des valeurs, de l’amour et de l’optimisme.
Merci à Liridon et à toute sa famille pour ce moment fort de partage! Résilience, optimisme, goût du travail et joie…c’est ce que nous retiendrons en quelques mots de cette magnifique rencontre!
Pour Liridon, nous sommes montés les quelques 200 mètres nous donnant accès à une vue panoramique sur Istok et région.
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