Caucase – le Parc National de Touchéti
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Notre chauffeur, Mamouka, est surexcité! Il chante, danse, parle sans cesse, rit…il nous emmène chez les Tush! Il est heureux de quitter Tbilissi et de rejoindre ce coin de montagne du Caucase, la Touchétie, sa région chérie!! Mamouka prépare son arrivée…nous nous arrêtons maintes fois..il se charge en vin, vodka, tachtach (alcool fort), bonbons…Il sait que les tush et ses amis, parfois très isolés dans les montagnes, seront heureux de recevoir quelques uns de ses présents!
La Touchétie serait une des plus belles et plus mystérieuses régions de la Géorgie. Les Tush, peuple nomade, éleveurs de moutons et de chevaux, auraient gardé leurs traditions…De nombreux Tush vivent aujourd’hui en alternance entre la basse Kakhétie, et la Touchétie l’été. Mais une quinzaine de familles vit toute l’année dans ces montagnes, situées au nord-est de la Géorgie avec une superficie d’environ 580km2. La Touchétie est un trésor et une des régions les plus reculées de Géorgie …accessible aux touristes. La joie et l’enthousiasme de Mamouka nous surprend un peu mais nous réjouit aussi…Nous allons découvrir, pendant quelques jours, les fondements de son émotion exubérante.
La route en terre est escarpée, cabossée, longue de 100 km. Elle s’enfonce dans une vallée et monte progressivement, chaotiquement. Nous avançons à 20km à l’heure, stoppant de nombreuses fois pour croiser une voiture, la route est étroite, parfois complètement étranglée, quelques parcelles s’étant écroulées lors des dernières pluies. Une seule route donne accès à la Touchétie en véhicule, en passant par Abano, un col culminant à 2826m .
Les nombreuses stèles rappellent aux voyageurs la fragilité de leur voyage..La mémoire des morts, probablement ivres nous dit-on lorsqu’ils sont sortis de route et tombés dans le ravin, est honorée et célébrée. Des petites tables sont installées autour des nombreux cénotaphes. Mamouka rencontre d’ailleurs un groupe d’amis attablés à une de ces tables occupés à célébrer les derniers défunts. Nous nous arrêtons…allumons une petite bougie et…trinquons à la vodka et au brandy!! Cette tradition est ancrée dans la culture tush. Aujourd’hui encore, célébrer les morts, les vivants et les Dieux est une pratique courante. Les verres de vodka se suivent et célèbrent les morts, souhaitent une longue vie à la famille et remercie les Dieux. Chez les Tush, le paganisme s’entremêle très efficacement et simplement avec le christianisme.
Omalo, village central situé sur un plateau situé à 1900 mètres est le lieu central, point de rencontres et d’échanges. Autour de ce village, dispersés dans les multiples vallées, s’érigent des petits villages facilement accessibles à cheval, isolés 6 mois par année pendant l’hiver et entourés de sommets culminants à 3400 mètres environ. Pour les Tushs, la région représentait un idéal: un excellent ensoleillement, l’accès à des terres fertiles sur le plateau permettant le développement d’une agriculture et le développement du pastoralisme, un accès à une eau abondante, et enfin, les montagnes, protection contre les avalanches et contre les ennemis.
La Touchétie, le pays des chevaux
Découvrant le plateau d’Omalo en fin de journée après un voyage risqué, nous sommes accueillis par des hordes de chevaux. A peine installés sur la terrasse de notre hôtel pour savourer un de ces excellents repas géorgiens, une colonie de chevaux vient pâturer sur la terrasse nouvellement semée…Lors de nos premières ballades à pied, des chevaux partout, en horde et en liberté, ou en pleine compétition!
Le Touchine, le cheval de Touchétie
Le cheval est vital pour l’homme dans ces contrées. Il lui permet de manœuvrer les troupeaux de moutons, d’assurer les déplacements dans les montagnes et permettre les transports des matières premières dans les villages isolés. Le Touchine est la race originaire de la Touchétie. Il résulte vraisemblablement d’une sélection antique, marquée par des conditions environnementales rudes, sous l’influence de chevaux arabes et turkmènes. De taille réduite, le Touchine est connu pour sa résistance, son adaptation à sa région montagneuse, et sa possibilité de se déplacer à l’allure de l’amble.
Le cheval, au cœur de la vie sociale des Touchètes
En traversant le village de Dartlo, nous ressentons une agitation, une fête se prépare…une course de chevaux a lieu dans l’après-midi…Tout le village est sur le qui-vive. Les femmes préparent les mets, les hommes s’affairent auprès des chevaux. La course sera de très courte durée, une course de 5-7 km, 5 cavaliers, quelques minutes. Les vainqueurs, cheval et cavalier sont acclamés, les perdants rouspètent, l’enjeu est de taille, une réputation, la gloire d’un cheval. Le repas démarre, les hommes d’un côté, les femmes de l’autres, et les chants et danses commencent. les femmes initient la danse, invitent un homme, dansent ensemble sans jamais se toucher….Ces courses ont lieu tout l’été, dans de nombreux villages. Les habitants des différents villages s’y retrouvent, partagent les dernières nouvelles et assurent la reproduction de la race Touchine.
Irakli, majestueux cavalier touchète et ses vingt chevaux
Nous partons avec Irakli, cavalier Touchète rejoindre à cheval, le lac d’Oretie, à 2600 mètres d’altitude. Irakli selle 5 chevaux. Il les a choisi dans une horde de plus vingt chevaux. Il cherche à partir avec les 5 chevaux uniquement et décide de laisser les autres chevaux pâturer dans un champs…Nous partons rapidement à 6 chevaux, puis au bout de quelques minutes, l’entier de la horde nous a rejoint, les chevaux connaissent la ballade et souhaitent s’y joindre. 20 chevaux en liberté nous suivent et se mêlent à notre marche.
Nous saisissons le talent d’Irakli rapidement. A peine partis, un étalon blanc n’appartenant pas à la horde repère une jument dans notre groupe. Il tente des approches fougueuses mais il est vite stoppé par un de nos étalons, qui n’hésite pas à se cabrer. Sur plusieurs dizaines de mètres, les deux étalons se battent à coup de dents et coups de sabots. Pas du tout rassurant pour nous et très impressionnants.
Irakli ne semble pas inquiet et reste absolument serein. Au bout d’un kilomètre, voyant que l’étalon poursuivra sa quête énervée très longtemps, Irakli stoppe le groupe. Ce mastodonte de 2 mètre s’approche avec délicatesse de l’étalon blanc et le saisi très amicalement par le cou et lui parle. Rapidement, il lui saisi l’oreille avec grande détermination et la tord, puis il agrippe le museau de l’étalon qu’il sert dans son énorme main, pour lui signifier son autorité. L’étalon se calme immédiatement, écoute Irakli et ne bouge plus une oreille. Avec une grande douceur et une puissance charismatique, sans aucune violence tout en démontrant beaucoup de respect à ce puissant étalon, Irakli a su calmer la situation.
Il remonte sur sa monture et poursuit la ballade. Nous sommes épatés, stupéfaits et nous nous sentons en toute sécurité sous la direction de ce maître-cavalier qui va guider l’ensemble de son troupeau toute la journée par la voix. Sifflements, cris, tous les chevaux l’écoutent et le suivent. Nous monterons au lac, perchés sur les chevaux et feront la descente escarpée avec eux à pied. Les chevaux connaissent les prairies et font la course à qui arrivera le premier pour déguster une flore abondante et fraîche.
Le berger du Caucase, chien protecteur des troupeaux et des hommes
Avec nous, le chien d’irakli, un berger du Caucase, nous protège tout le long de la ballade. Imposant, massif, endurant, il monte la garde et nous protège. Il éloigne les autres chiens et reste à l’aguet. Il aime son groupe et se montre étonnement affectueux, ce qui nous réjouit.
Cette race de chien vit avec les Touchètes depuis toujours. Avec un art de l’éducation certain, les Touchètes en font des chiens de protection hors pair contre les attaques de loups, d’ours et d’autres petits ennemis. Les oreilles sont coupées dès la naissance afin de supprimer une éventuelle prise aux prédateurs. Nous avons évoqué la présence du loup avec de nombreux bergers et Touchètes. Presque surpris par nos questions sur la cohabitation entre les loups, les ours et les troupeaux de moutons, ils ne sont pas inquiets. Les bergers du Caucase rivalisent avec force avec le loup. Les quelques rares pertes en terme de moutons font partie du jeu et de la cohabitation
Les Touches, bergers et transhumance
Les Touches sont avant tout des bergers. Ils ont su conserver cette activité jusqu’à aujourd’hui, malgré des tentatives fortes du régime soviétique d’en prendre le contrôle pendant des décennies .. La race locale du mouton touche, robuste et bien adaptée aux conditions locales, est modifiée par croisement avec le mérinos. Nous croiserons de nombreux troupeaux de plus de milles têtes pendant notre séjour et aurons le loisir de trinquer avec un berger qui passe l’été à 2000 mètres, avec chiens et moutons. Les femmes utilisaient la laine pour confectionner habits, tapis et tentures.
Malheureusement, à ce jour, la laine ne trouve plus de débouché et est régulièrement brûlée!! (avis aux entrepreneurs qui rechercheraient une laine de grande qualité!!). Le mouton est donc utilisé pour son lait et sa viande, d’une qualité inégalable..
Instants partagés avec Majo-Babou, 87 ans, en pleine santé
Au cours d’une ballade, nous retrouvons notre chauffeur Mamouka, bien installé chez Majo. Nous avons souvent délaissé Mamouka, préférant parcourir les contrées Touchs à pied…Désœuvré, il prend le temps de rendre visite à ses amis. Sirotant un café turc, il nous invite à déguster les fromages de Majo.
Majo, 87 ans, veuve, vient passer tous les étés, seule dans sa petite maison dans les montagnes. Elle cultive son jardin, confectionne des fromages et brode des petits chaussons pour les touristes de passage. Grâce à la présence de Lika notre guide qui traduit, nous philosophons sur le monde avec elle et elle nous livre quelques unes de ces recettes culinaires et aussi principes de vie. Elle nous confiera qu’avec une consommation de produit locaux, le goût du travail et de la ténacité et un optimisme constant, on vieillit très bien!
La Touchétie, patrimoine mondiale de l’UNESCO vivant!
La Touchétie, inscrite au patrimoine mondiale de l’Unesco, n’est pas devenu pour autant un musée pour touristes. Au contraire, nous avons la sensation que la patrimonialisation du lieu permet aux habitants de perpétuer leurs traditions tout en s’adaptant à de nouveaux débouchés économiques. Nous avons été subjugués par la beauté du lieu, le lien entre hommes et animaux (tous, toujours en liberté) respectueux, une fierté revendiquée d’une identité qui s’est depuis toute son histoire battue contre de nombreux envahisseurs, des mongols aux russes. Dans tous les villages, construit en pierre et en bois, des tours de défense et de garde autour des fermes moyenâgeuses fortifiées.
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