Plantes médicinales en Albanie: tradition et héritage communiste
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Nous avons choisi de nous rendre en Albanie, apprenant, au gré de nos lectures, que l’Albanie est un des exportateurs de plantes médicinales aromatiques le plus important en Europe, derrière la Bulgarie et la Pologne. La spécificité de la provenance des plantes en Albanie: en 1998 encore, elle était à 100% sauvage.
« Cette richesse en plantes médicinales s’explique pour partie par sa position géographique . Située sur la partie occidentale de la péninsule Balkanique, elle bénéficie d’un climat et d’un relief propice aux forêts et aux plantes sauvages. Tout en étant dotée d’une façade méditerranéenne, moins de 70% de son territoire se situe en zone de montagne avec un terrain accidenté et difficile d’accès. Son paysage est formé de collines rocheuses et de grandes chaînes de montagnes qui atteignent 2751 mètres d’altitude. Son altitude moyenne est de 708 m, soit deux fois celle de l’Europe dans son ensemble. »
« Les plantes médicinales en Albanie ont depuis la nuit des temps été employées dans la médecine populaire et leur exploitation se systématise sous le régime communiste. A partir des années 1947, ces ressources passent entièrement sous la responsabilité de l’État. La planification étatique a un double objectif : elle vise, d’une part, à se substituer aux importations via la mise en place d’industries pharmaceutique, chimique, cosmétique, agroalimentaire et d’autre part, a augmenter le montant des devises par les exportations. Le secteur des PAM est organisé administré selon les critères de l’économie planifiée. Durant cette période, ce secteur est le troisième secteur le plus important après le minerai de chrome (industrie minière) et le tabac, faisant entrer une valeur moyenne de devises de 7 à 10 millions de dollars américains par an.
Début des années 80′, sous la dictature de Enver Hodja (1945-1985), un entrepreneur français, Julien Roche (une des plus grosses fortunes installées en Albanie à ce jour, créateur de plus de 40 sociétés) va participer aux premières exportations massives de plantes médicinales. En effet, il fournit du matériel à l’état communiste qui n’a pas de devise mais qui paye en retour en plantes médicinales, en particulier la sauge qu’il revendra à Ducros et aux américaines, entre autres.
Dès les années 90, face à une très forte demande, de grandes firmes exportatrices s’installent en Albanie et une forte concurrence s’installe. A partir de l’année 2000, plusieurs plantes sont mises en culture afin de satisfaire la demande. Ce sont le romarin, la lavande, le thym, la coriandre, le basilic et la sarriette qui pallient à la baisse des récoltes sauvages. Jusque dans les années 2000, Les plantes médicinales sont un revenu important pour les familles du monde rural (zones montagneuses et marginalisées) et représentent 54% des exports agricoles. Actuellement, les plantes médicinales sauvages en Albanie sont menacées (tout comme dans toute l’Europe). Les études montrent que beaucoup de PAM sont menacées d’extinction par la perte et la modification de leurs habitats, en raison surtout des changements intervenus dans les pratiques agricoles depuis 100 à 200 ans, à savoir déforestation, plantations, surpâturage, compétition avec des espèces exotiques envahissantes, l’appauvrissement de la diversité génétique, le changement climatique et les pratiques de récolte destructrices ou la surexploitation. »(https://agritrop.cirad.fr/587594/1/Th%C3%A8se_valter_finale.pdf)
En déambulant à travers Tirana, nous tombons sur une très jolie échoppe, « Salvia« , gérée par par la pharmacienne Suzana Mara. Très chaleureusement, elle nous invite à nous asseoir et nous raconte son histoire. Cette brève rencontre d’une petite heure dans l’arrière boutique illustre très concrètement les informations historiques que nous avons apprises plus haut.
Suzana a tout appris à l’Institut de Médecine Populaire, crée en 1977 et totalement financé par l’Etat communiste. Cet institut s’est attelé a démontré scientifiquement la valeur des savoirs traditionnels. Plus de 12’000 protocoles pharmaceutiques sont établis. Suite à la chute du régime communiste, l’Institut est fermé faute de financement.
Trois ans plus tard, Suzana crée alors sa propre entreprise « Salvia Naturals Products », souhaitant pérenniser les savoirs de l’Institut. Suzana vend ses produits dans toute l’Albanie, dans les pharmacies en particulier. La population utilise les plantes en prévention ou en soutien à un traitement médical. Salvia s’appuie sur un réseau de cueilleurs sauvages qui tend à se réduire, les jeunes préférant quitter la campagne et venir tenter leur chance en ville.
Suzana nous présente quelques produits qui démontre en effet un grand savoir et savoir-faire. Elle nous explique que l’Acanthus est une plante très efficace pour lutter contre la prostate (ce que nous n’avons jamais entendu ni lu) et nous présente un baume composé de feuilles de rubus fricticosus (les ronces) qui ne contient pas de conservateur (car annule la valeur des principes actifs) et qui soigne en quelques jours les plus tenaces des hémorroïdes.
En raison d’un manque de temps, Suzana n’a pas pu nous parler plus en détails des cueilleurs, des processus de séchages, stockages et transformation des plantes.
Ce speed-meeting est pour nous une très jolie entrée en matière dans le monde des plantes médicinales en Albanie. Nous nous réjouissons de prendre la route des campagnes et d’aller à la rencontre des cueilleurs et producteurs.