Pauvres cyclistes dans une société pour voitures!

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Nous retrouvons l’Italie continentale par une traversée de 450 kilomètres à vélo, en commençant par la Calabre, poursuivant sur la Basilicata, pour finir dans les Pouilles, entre côtes balnéaires, vallées agricoles et descente sur Bari. Notre dure vie de cyclistes sur ce tronçon est certainement révélatrice de quelques réalités sociétales…Nous avons vécu un autre aspect, peut être moins exploré dans les guides présentant la belle Calabre. Nous n’avons parcouru qu’une petite partie de la fameuse riviera dei Cedri, certainement la seule partie qui détonnait franchement avec la description que nous pouvons lire dans le texte suivant: (https://www.ledevoir.com/vivre/voyage/318056/la-calabre-cette-region-surprenante). La Calabre peut être fière de quelques unes de ses magnifiques plages que nous avons découvertes pour certaines avec enchantement. Mais ce n’est qu’en voiture que vous pourrez vous y rendre. (les 10 plus belles plages de Calabre).

450 kilomètres à se faire klaxonner toutes les 5 minutes par des automobilistes qui filent à 120km/h sur des routes limitées à 50…La voiture est reine, et nous, avec nos gros vélos bien lourds, nous dérangeons! Pour la première fois de notre voyage, nous nous sentons agressés sur les routes! Evidemment, il y a en bien un ou deux qui klaxonnent en guise de salut bien sympathique et encourageant, ou même séduit par une paire de gambettes luisantes en pleine effort, mais pour le reste…Oust! Du balais! Nous voyons nous dépasser des hommes et femmes gesticulants dans leur voiture, certainement en claironnant quelques « Bastardo! Che cazzo fai!! »Nous devons rester bien concentrés, obligés à rouler sur l’extrême bord des routes, quitte à braver les nombreux trous dans les routes mal refaites! Impossible de passer sur le trottoir, ça n’existe pas! Passer sur la promenade du bord de mer? Elles sont très rares, elles sont nombreuses à être devenues des routes nationales!

Et les routes principales, elles sont transformées en autoroute! Supprimées sans vergogne! A Rocca Imperiale, nous ne trouvons plus notre route! Nos applications nous proposent des routes qui semblent faire des détours de plus 20km. Dur d’imaginer de perdre du temps sous un soleil qui tape à 39°! A Nova Siri, nous sommes obligés de demander notre chemin aux Carabinieri. Nonchalamment et avec un grand sourire très décontracté, ils nous conseillent de passer nos vélos par dessus une barrière et de faire quelques kilomètres sur l’autoroute!! La route nationale a fini sa vie en fusionnant avec l’autoroute.

Cette densification du réseau routier, mis à part condamner le cycliste a emprunter des autoroutes, semblent aussi avoir tué ou défiguré quelques villages…Les routes semblent avoir été construites à la va-vite, dans une volonté électoraliste ou avec des ambitions non mesurées de développements touristiques vouées de toute évidence à l’échec.

L’urbanisation colossale ici est très visible, avec la création de digues pour plages et l’élargissement très important de la route, à côté d’une ligne de chemin de fer qui ne voit plus que quelques rares trains ,le tout séparant définitivement le village de la mer. L’intensité du trafic empêche tout piéton qui souhaiterait s’y aventurer. Difficile de comprendre ces constructions. Wiki n’en parle pas non plus et nous présente le village de San Lucido et ses différents quartiers de manière très léchée. (https://it.wikipedia.org/wiki/San_Lucido). Sur chacune des digues, des bars et plages aménagées, pour beaucoup fermés, les installations ayant été détruites par la mer. La promenade de mer est tout juste praticable, encore pour quelques années peut être, la mer reprenant avec force ses droits et détruisant avec grande facilité ces démesurées ambitions architecturales. Pour dire, nous n’y avons trouvé aucun charme, plutôt une sensation de fin du monde.

Nous traversons des villages entier à vendre. De vielles bâtisses coupées en deux et une somme incroyable de nouvelles constructions non achevées, à vendre ou dans l’attente patiente d’une revégétalisation…

Les constructions abandonnées ne sont pas détruites mais parfois digérées par cette nature qui revient vite. Ayant dû entrer dans dans les terres pour contourner une falaise, nous avons cherché un lieu pour notre bivouac. Un habitant a été heureux de nous indiquer un immense parking abandonné depuis quelques années. Nous testons « dormir sur un parking revégétalisé.. » Impression de beauté, de revanche, de possible…Bon, pour une fois, le sol était parfaitement plat, et le bruit des voitures sur la route pas très loin, efficacement atténué par l’ancien mur séparant le parking de la nature.

Une autre nuit sur cette côte nous amène dans le petit village balnéaire de Marina di Fuscalto, au Palace Sea Hôtel. Nous découvrons notre chambre, telle une cabine de bateau, dans l’eau. Très agréable sensation de s’endormir au son des vagues, quoiqu’un peu inquiétant…A gauche de l’hôtel, une maison de vacances vide, en travaux, et à droite, un complexe hôtelier immense, fermé, à l’abandon. Comme si la mer avait déjà commencé à tout engloutir. Notre hôtel est néanmoins agréable. Nous nous disons qu’il mériterait bien quelques travaux…Il semble dater des années 80′. La patronne nous dira qu’il a été construit il y a 3 ans!!! Combien de temps va-t-il tenir? Comme si la route construite juste au-dessus avait obligé les constructeurs à se coller à la mer, au plus près, un peu trop près.

Pour quitter la côte et retrouver celle de la mer ionienne, nous devons gravir une colline qui nous parait immense, pour rejoindre plus loin la région de la Basilicata. Nous avons le choix. Soit prendre l’ancienne route aux milles méandres soit emprunter le nouveau viaduc…C’est certainement le seul moment où nous avons béni les architectes et autres ingénieurs. Deux heures de montée, douce (enfin, 8%), sur un grandiose viaduc, qui nous fait passer ce cap tout en beauté, avec en prime, la vue.

Mais ce viaduc n’a certainement pas fait que des heureux. Au somment, le viaduc immense a été construit tout près des premières habitations du joli village de Guardia Piemontese, peut être en sectionnant des pâturages? Nous rencontrons un vieux berger qui fait paître sa vache sur le bord de route…

Sur notre route, les marchands de voitures se suivent, ponctuée par des garages et des vendeurs de pneu. De nombreux villages à l’agonie sur des kilomètres, nous n’avons pas pu faire escale dans un joli petit bar du village, mais nous nous sommes arrêtés au bord d’un route, à côté d’une station essence, dans un immense shop climatisé vendant toutes les boissons et mets industriels. Le shop marche à fond et de nombreux clients sont présents, tous venus en voiture.

Le parc automobile rencontré sur les routes est impressionnant. Grosses et belles voitures. Le marché semble plutôt très bien se porter (https://ccfa.fr/actualites/les-immatriculations-de-voitures-en-italie-ont-fait-un-bond-de-4972-en-mars/) et la voiture semble rester un symbole de réussite fondamental. A tel point que tout est pensé pour voitures et que les italiens vivent pour et dans la voiture. En dehors des villes et gros villages vivants, nous croisons très peu de piéton, où alors en tenue de sport….marcher, simplement, est devenu un sport…

Un article mentionne que le régime pâtes/pizza ou les modes de vie modernes sont les probables causes de l’obésité qui sévit en Italie…Selon l’Organisation Mondiale de la Santé, deux tiers des italiens seront en surpoids en 2030…Le tout-voiture, sans même en faire une étude précise, est certainement une cause majeur de ce fléau…Fléau aussi pour des centaines de chiens, chats, hérissons, renards, oiseaux écrasés…Nous vous épargnons les photos…

De notre côté, uniquement quelques belles frayeurs et quelques insultes lâchées, il faut bien l’avouer.

Pour finir sur une note positive, le cyclisme est un sport très populaire en Italie et nous avons croisé beaucoup d’amateurs de vélo. Dans quelques villages habités et vivants s’ébauchent petit à petit quelques rares pistes cyclables…

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