3 jeunes passionnés nous présentent la biodynamie Corpinnat

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18 mars -Sant Sadurni, ville timide qui cache ses trésors

L’arrivée à vélo par les montagnes, dans la petite de ville de Sant Sadurní d’Anoia présage de notre prochain rendez-vous: des vignobles a perte de vue se distinguant les uns des autres par des bosquets de pins, haies de romarins, cystes, ajoncs et autres plantes des garrigues. Au premier abord, la petite bourgade semble peu touristique et sent fortement le chocolat (fabrique de Chocolat haut de gamme Simon Coll). Nous trouvons une chambre dans l’un des deux uniques hôtels et le soir, difficile de trouver un restaurant ouvert. Les rues commerçantes offrent quelques merveilles avec une pâtisserie alléchante (Patisseria Rossel) et des chocolats chaud denses à se damner mais aussi de nombreux commerces aux rideaux baissés.

Pourquoi RECAREDO?

Nous avons identifié Recaredo, viticulteur de (Cava- méthode champenoise) converti à la biodynamie depuis 2004 via la liste des adhérents « Demeter ». Souhaitant découvrir leurs techniques culturales, spécialement leur maîtrise de la biodynamie, nous leur avons proposé une rencontre qui s’est très facilement organisée. Cette visite représentait l’objet unique de notre passage dans cette ville de 10’000 habitants. Sans avoir pris le temps au préalable de nous documenter davantage sur la région, nous allons y découvrir bien d’autres centres d’intérêts. Décidément, notre route présente quotidiennement des surprises et des apprentissages liés à ce que nous voyons et aux rencontres. La préparation de l’entretien avec Recaredo nous surprend: « Connue sous le nom de la capitale du cava et entourée d’un paysage vinicole captivant aux racines millénaires, Sant Sadurní compte plus de quatre-vingts entreprises qui élaborent du cava. Héritières d’une tradition remontant à 1872, ces entreprises ont forgé ce qui est devenu l’élément fondamental de l’économie locale et le pôle d’attraction de nombreux visiteurs, séduits par le glamour et la sophistication du tourisme du vin. » Ca tombe bien, j’adore le Cava!

Le site internet de notre hôte, laisse entrevoir une entreprise Recaredo de qualité (Présentation de leur histoire et tradition, raffinement, présentation valorisante des produits, positionnés haut de gamme – gastronomie). Petit stress, les visites sont payantes, nous introduisant le doute d’une visite authentique au détriment d’une approche marketing. Mais les pages développant les processus culturaux avec des méthodes respectueuses de l’écosystème nous rassurent. En tant que membres de la marque collective européenne Corpinnat, l’entreprise assure un très grand soin à l’ensemble du processus de production des mousseux et vins blancs. Rien dans la ville nous a laissé penser que nous étions dans un haut lieu de fabrication artisanale et de de très haute qualité.

Peut être le musée dédié au Cava que nous visiterons le jour suivant… (nous y sommes allés… accueil désastreux…deux réceptionnistes occupées à faire des choses très importantes sur un ordinateur lèvent très lourdement la tête à notre arrivée….Une nous demande ce que nous voulons…(??). « Eh bien, visiter le musée! Répondons nous simplement. La réceptionniste nous informe que seule une réservation permet de visiter le musée. Elle nous dit que nous pouvons réserver pour le lendemain…Difficile de comprendre la raison, nous ne sommes pas dans une foule digne du musée du Louvres, nous sommes les deux seuls touristes…Nous repartons dépités…Malheureusement, ici la différence de dynamise et de professionnalisme entre le secteur privé et public est flagrant! Dommage que le secteur public ne soit pas au service de la mise en valeur de la ville et de ses artisans!. Donc à bon entendeur, téléphonez quelques jours avant si vous souhaitez visiter ce musée! Car rien n’est précisé sur leur site!!)

Etre, cohérence, observation, soin du détail chez les professionnels

Trois jeunes professionnels, Nuria, Ana et Roger, nous attendent et nous accueillent très chaleureusement: deux ingénieurs agronomes, un œnologue une vigneronne et une chimiste. Ils se disent enchantés de notre visite pour pouvoir partager autour de la biodynamie et des plantes médicinales, l’idée préconçue de la visite commerciale s’est évaporée. Ils nous embarquent dans un bus et nous voilà au milieu des vignes et des champs.

Recaredo exploite 90 hectares répartis sur plusieurs sites en amont de Sant-Sadurni. Nous visitons deux sites dont leur site phare de Montpedros. Une dernière acquisition de parcelle leur permet d’appliquer l’ensemble des pratiques idéales: un terrain de 24 hectares. 14 hectares cultivés et 10 hectares laissés à la nature, pinèdes, plantes sauvages et aromatiques dans le but de favoriser la vie de l’écosystème. Nous consacrons 2 heures sur cette parcelle à recenser tous les processus culturaux: pulvérisation d’extraits fermentés d’orties et prêle, préparations biodynamiques 500 et 501, labourage du sol sur certaines parcelles test avec un cheval, permettant une densification des ceps compensant la diminution des rendements établis pour Recaredo à 6kg/m2 contre 12 kg/ma pour la région.

Une approche de la biodynamie documentée

Une collaboration avec El Museo de Ciéncies de Granollers leur leur permet de mesurer l’impact de leur pratiques respectueuses de la nature, en décomptant régulièrement le nombre de chauves-souris présentes sur site.

Les 90 hectares de vigne ont été acquis progressivement et différentes tailles de ceps cohabitent. Progressivement, la nouvelle génération souhaite étendre la taille dite du gobelet, inventée par les romains. Elle permet de sculpter le cep, sur un tronc de 50cm de hauteur, départ de 4-5 « bras en cornes » (vieux bois) terminés par un ou deux coursons (bois de l’année dernière correspondant aux sarments à tailler) portant chacun deux ou trois bourgeons. Aucun palissage (conduite sur fil de fer) n’est nécessaire pour la taille en Gobelet. Il permet une bonne résistance au vent et à la sécheresse. Les raisins sont près du sol ce qui assure une maturité précoce. Mais cette forme de conduite exige que l’ensemble du processus soit réalisé à la main, la mécanisation n’étant pas adaptée (vendange mécanique, écimage et rognage du feuillage…). Ce mode de taille très ancien protège les baies des brûlures du soleil. Plus gourmande en heure de travail, cette taille donne à la plante une meilleure résistance générale et longévité.

Le travail du sol n’est pas systématique, il est évalué selon le besoin. Les sols sont labourés un rang sur deux, le désherbage des ceps est effectués à la main. La terre présente une remarquable granulométrie, profonde jusqu’à 40 cm. La flore de surface est riche, la présence de roquette démontre que le sol, légèrement argileux à tendance à la battance, d’où la recherche de limiter les interventions de tracteur. Pas d’irrigation, nous sommes à 40 km de Barcelone, sous l’influence de la mer et des Pyrénées à 100km, sans compter les collines qui enserrent la région viticole de Sant Sadurni.

Nos 3 interlocuteurs sont des créatifs et innovent sans cesse: dans un autre champs: culture de lavande, oyas enterrée, petite démonstration efficaces de la méthode utilisée pour redynamiser un sol. La culture des plantes médicinales les passionnent, cette parcelle sera destinée cette année aux plantes médicinales qu’ils souhaitent associer systématiquement avec la viticulture profitant des multiples synergies. L’année passée il ont crée une infusion « Vespres de Verema », composée de feuilles de vignes, peau de raisin et quelques plantes de la pinède (fenouil, romarin et lavande). Magnifique création, Vitis vinifera étant une magnifique plante médicinale (veinotonique, anti-oxydant; etc.)!

Les contraintes du label Déméter Espagne

Roge, ingénieur agro, œnologue, 37 ans, chef de cultures, maîtrise de nombreuses techniques en biodynamie et les champs sont soignés avec conscience et connaissance. Plusieurs contraintes l’empêchent cependant de pouvoir répondre à l’ensemble des exigences de Déméter Espagne. La collaboration avec les animaux tout d’abord. (Marc Farré nous l’avait déjà signifié, lire notre brève: Marc, à la recherche d’un écosystème viable)

  • Dissémination des parcelles. (La vallée de Penedes est actuellement en bio à 60% et passera dès 2023 à 100%
  • La questions des fumures organiques, de l’utilisation des fumiers d’animaux. La grande majorité, des animaux sont élevés en usine (volailles, porcs, moutons, etc.) et produisent un fumier chargé en pesticides et résidus pharmaceutiques. Difficile de trouver une éleveur qui pourrait être partenaire en faisant par exemple paître ses animaux sur les différentes parcelles. Seul l’aide du cheval pour le labour est remis au goût du jour.
  • Le compost est un élément central de la biodynamie. L’Espagne, face à la contamination des sols à causes des nitrites, n’autorise plus une élaboration de compost de plus de 3 mois! ce qui rend le compostage impossible surtout dans un pays « sec ». Roger, achète donc son compost bio ailleurs et ne peut plus le fabriquer sur ces terrains.

Malgré ces difficultés, la jeune équipe ne se démotive pas et poursuit ses réflexions sur les techniques de cultures. Ils ont créé un vaste réseau de connaisseurs avec qui ils se forment et partagent leurs réflexions. A titre d’exemple et idées de visites:

Vivers Salicru: https://www.viverssalicru.cat/: culture maraichère, fruits, ferme, cours divers sur la diodynamie (lire notre brève: Geant subtile, Joan, gardien du temple de la biodynamie)

http://www.baixas.bio/es/: Producteurs de vin, mout, et huile extra vierge, cours sur la biodynamie

L’organisation de l’entreprise: un écosystème aussi en mouvement

Au gré de la visite, nous relevons un fort esprit d’entreprise. Nuria, ingénieure agro, œnologue, mère de famille dans la trentaine, cheffe de cave, nous relate la prise de conscience des propriétaires dans la durée limitée d’une entreprise familiale. Afin d’assurer une pérennité de Recaredo, l’actuelle génération aux commandes, la 3ème, a décidé de simplifier la structure organisationnelle et de passer d’un mode de gestion pyramidale à un mode de gestion horizontal. (on retrouve le même mouvement dans les entreprises liées à internet et plein d’autres). Avec le soutien d’experts du Pays Basque, le changement a commencé il y a 6 mois. Répartition des rôles, travail sur les égos et le pouvoir, nouveau système de prise de décisions…le programme est important mais semble en tous points réjouir et motiver Roger, Nuria et Ana également trentenaire, chimiste de formation. Nous nous réjouissons d’avoir de leurs nouvelles et chapeau bas à la direction actuelle!! 6 personnes à temps complet sont chargées des cultures, aidées par les saisonniers lors des vendanges.

Terminer la visite en beauté

Nuria et Ana nous offrent une visite des caves (photos interdites..mais allez sur le site).

Les caves ont étés creusées manuellement dès 1924 par la première génération dans la roche. Les voutes sont recouvertes de mycélium blanc et noirs selon l’ancienneté. Dans la pénombre, nous sommes impressionnés par des montagnes de bouteilles non étiquetées. Pas de mobilier, d’immenses alcôves en briques assurent l’entrepôt des bouteilles bien alignées tête-bêche, du sol au plafond. Le vin mousseux reste ainsi 3 ans avant d’être mise en vente.

Un processus méticuleux avec des matériaux nobles

Nous assistons à la phase d’expulsion des dépôts via une manipulation manuelle de 3 semaines des bouteilles inclinées, bouchon en liège, sécurisé par une agrafe métallique vers le bas. Aucun recours à la congélation des dépôts comme dans d’autres pratiques, les bouteilles une fois débarrassées de leurs dépôts sont compensées par le contenu de leur confrère de lot. Les salles de stockages et gestion des fermentation sont équipements 100% inox, évidemment d’une propreté exemplaire. On retrouve aussi dans les caves des essais permanents d’amélioration des produits, comme le stockage via des jarres en verre jarres en terre cuite. La matinée se clôt par…

Une dégustation en règle

Entreprise rompue à la commercialisation, une salle de dégustation décorée par l’historique de l’entreprise nous permet d’apprécier.

  • Serral del Vell, récolte 2016, Xarel-lo 75%; Macabeu 25%; 58 mois de cave. Toutes les bouteilles commercialisées sont millésimées. Bulles ultrafines, vin ultrafin précis, léger, coup de cœur de Nuria
  • Ratpenat, 100% Macabeu; 2019; vin blanc issus d’une parcelle au sol d’ardoise, goût de terroir très prononcé.
  • Miranus, 100% Xarel-lo, 2020, vin blanc, mêmes caractéristiques que précédemment, vin fin, très léger, enchanteur.

La dégustation achève la visite ayant réchauffé les cœurs, d’une matinée nuageuse et bruinante.

La biodynamie, le plaisir au travail, le soin de l’ensemble des processus d’élaboration du vin, sans aucun additif, subliment le palais, et démontre que l’on peut produire, gagner sa vie, sans compromettre la santé des consommateur et de l’environnement.

Leurs engagements affichés semblent totalement respectés et donner la meilleure saveur à leur vin!

Nous avons été très touchés par la générosité, le temps consacré, l’attention porté sur l’essentiel à savoir le soin à la terre et aux plantes. Derrière ce très beau site internet-vitrine, nous avons rencontré de vrais passionnées amoureux de leur vigne, de leur travail et de leur entreprise. Un immense merci et bravo!

Une belle équipe, jeune et passionnée: Roger – Ana – Nuria et Cécile sur fond de vignes encore endormies et floraison de roquette – paysage caractéristique que nous avons parcouru.

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