Semaine 12 – Bella Corsica! – 51 km

Suivez nos aventures en recevant notre newsletter toutes les semaines, inscrivez-vous en cliquant ici puis renseignez votre nom et email.

Arriver à Bonifacio fin mars est un délice. Soleil accueillant mais encore léger, dans une atmosphère apaisante, le brouhaha des passagers laissant place progressivement à plus de quiétude. La montée dans la citadelle médiévale perchée sur sa falaise, presque seuls, à vélo, nous offre une vue surplombante aussi progressive que grandiose. Dans le petit village hors du temps, petits coups de marteau, le froufrou du pinceau du peintre, des couinements de vitres en train de se faire ripoliner. Des chants polyphoniques sur les transistors des hôtels prenant leur respiration avant d’entamer une saison qui sera dense et qui commencera d’ici une à deux semaines. D’ici là, une sensation d’arriver à l’improviste chez un hôte qui n’est pas eu le temps de finir de mettre la table ni de s’apprêter.

Nous enfourchons nos vélos pour rejoindre Porto Vecchio (prononcer très lentement chaque syllabe du premier mot et suggérer la dernière consonne du deuxième mot, le tout en chantant), lieu de notre prochain rendez-vous. Nous quittons rapidement les nationales pour passer par les montagnes. Nous suivons un super trajet pour vélo, la grande Traversée de Corse à vélo, le GT 20. Corsée et raide, la route nous offre immédiatement un paysage rêvé, verdoyant, les bords de route semblant être jardinés tel un jardin anglais: lavandes stoechas, asphodèles, genêts…bleu, blanc, jaune…les plantes explosent de senteurs après une très récente pluie.

Nous passons notre première nuit dans une pinède, dans une aire aménagée pour l’été, avec cuisine ouverte, petite cabane hors sol. Pauline, ancienne productrice de spiruline, nous offre généreusement d’installer notre tente et d’y passer la nuit. Le lendemain, sa jeune fille accompagnée de son chien, nous invite pour un café. Nous faisons plus ample connaissance. Pauline, fille de pépiniériste, maman, aide soignante rurale et productrice de spiruline nous ouvre la porte de sa maison, dominant un paysage résumant la Corse; la montagne, le maquis, le golfe de Porto-Vecchio au loin. Ses perspectives verdoyante de la terrasse offre à ce café un arôme enivrant.

Nous reprenons notre route et nous parcourons des kilomètres seuls dans le maquis, traversant parfois un petit hameau. Ces coups de pédales me ramènent 15 ans plus tôt, sur cette même île, que j’avais traversée à pied, du sud au nord, avec un émerveillement certain, dans une nature préservée et protégée. Après une route de plus de 1000km dans une Espagne plutôt abîmée, traverser ces paysages odorants et grandioses nous fait un bien absolument réparateur. Les côtes les plus abruptes ne parviennent pas à ébranler notre enchantement.

La Corse est reconnue pour la préservation de son environnement. Un Office de l’environnement de la Corse et un observatoire de l’environnement ont d’ailleurs étés créés en 1991 et l’île bénéficie aujourd’hui d’une nature relativement préservée, tant sur terre que sur la côte et en mer. L’île abrite:

Le parc naturel régional de Corse recouvre 51% de l’île. Le fameux GR 20 le traverse de bout en bout et les Mare e Monti le traverse le parc en sa largeur. Les 7 réserves naturelles, réparties sur le littoral, constituent un élément fondamental des politiques de préservation de la biodiversité en Corse. Des symboles aussi essentiels de la nature méditerranéenne que le balbuzard à Scandola, les goélands d’Audouin à Finocchiarola, les puffins dans les bouches de Bonifacio, les canards et les limicoles à Biguglia, les herbiers de posidonies, les mérous et les patelles géantes à Scandola et dans les bouches de Bonifacio, ont pu se maintenir grâce aux refuges que constituent ces espaces protégés.

Source: Réserves Naturelles de France

A Ferruccio, petit village au dessus de Porto Vecchio, Stéphane Rogliano, éminant amoureux et fin connaisseur de la flore Corse, nous attend dans son entreprise de multiplication de plantes corses (Les Serres de Ferruccio). Un après midi entier, il nous emmène découvrir les secrets de cette terre protégée. Parcourant quelques mètres dans le maquis, sur un chemin Mare e Monti, il nous murmure quelques secrets sur quelques plantes corses et sur cet écosystème.

Transportés par ce moment avec cet observateur de la nature, rieur et allègre, nous osons lui offrir nos mains. Partager quelques jours de travail avec lui serait pour nous une expérience passionnante….Après nous avoir faire patienter une journée, il nous ouvre ses portes pour quelques jours… Nous entrons dans un microcosme exigeant, une mine d’or, soignée par quelques orfèvres…(lire notre brève: Stéphane, l’homme qui aimait les plantes corses).

Stéphane Rogliano, défenseur des beautés de la Corse, est très actif et fait partie de nombreuses associations de mise en valeur des producteurs. Il participe par exemple à la tenue d‘un marché de producteurs corse à Porto Vecchio, à la rue Pierre Andreani. Cofondateur de ce marché situé à la sortie Nord de la ville, avec 5 producteurs, ils sont désormais 30 à offrir leurs production directement aux consommateurs. Ce samedi, 3 productrices étaient présentes dans un lieu d’authenticité, propice à la discussion qui s’est focalisée sur la culture du safran. Un produit magnifique produit sur des lignes en butte, désherbage à la main, récolte à la main, tri à la main des étamines avec un seuil de la douleur de 1500 fleurs récoltées par heure à 2 personnes, triées et séchées. Viandes, charcuteries laitages, fromages, fruits et légumes, vins, bières, farines, on y retrouve le concept de nos marchés paysans suisses: proximité, qualité, authenticité, et le plaisir de s’approvisionner dans sa région.

Il nous aide aussi à comprendre l’évolution de l’agriculture en Corse. L’histoire moderne du développement de l’agriculture corse est très spécifique. La géographie tourmentée de l’île et la très forte émigration jusque dans les années 1950, n’ont pas permis le développement d’une agriculture industrialisée. Les quelques initiatives des années 60, (en particulier celle permettant la réinstallation des pieds-noirs d’Algérie), n’ont pas connu de grand succès, voir ont été contre-productives. Encore aujourd’hui, les conséquences de politiques « hors sols » se constatent: des champs d’oliviers sont aujourd’hui encore arrachés, les variétés choisies à l’époque n’étant pas adaptées au climat corse. Dès les années 70, soutenue par l’Etat, le modèle de la petite structure paysanne se développe. Nécessitant peu d’investissement, ce modèle incluant la vente à la ferme, permet de faire vivre les petites structures familiales, Aujourd’hui, près de 3000 petites exploitations travaillent  sur près de 160’000 hectares. ( exploitations sur 10 vendent en direct. C’est 3 fois plus que sur le continent!

Comparé à l’Espagne, nous avons été frappé par la forte mise en valeur des produits locaux et des producteurs. Rapidement sur notre route, nous observons des panneaux indiquant le lieu de vie d’un producteur, estampillés « La route des sens authentiques« . Immense parcours didactique traversant toute la Corse, allant à la rencontre des producteurs de produits locaux, des gîtes et des meilleurs tables corses. Parcours gastronomiques, pas seulement, aussi une découverte d’une agriculture locale, traditionnelle. La charte Qualité de la Strada di i sensi est exigeante et met en avant les produits AOP. Pas moins de douze produits issus de l’agriculture corse sont aujourd’hui protégés par une Appellation d’Origine Contrôlée et Protégée (AOC/AOP) : vins, brocciu, huile d’olive, miel, farine de châtaigne, charcuteries. La clémentine, le pomelo et la noisette se distinguent par une Indication Géographique Protégée (IGP), de même que les vins de l’île de beauté. La clémentine a également obtenu un  Label Rouge. (https://www.gustidicorsica.com/fr/5/l-agriculture-corse.html

Et l’écologie en agriculture? 17.3 % des exploitations sont en agriculture biologique (15% en Suisse en 2020). Une exploitation corse sur 6 est certifiée ou en cours de conversion et 1 sur 3 enregistrée sous un signe de qualité (label, IGP, …). Les surfaces cultivées en bio ont quasiment été multipliées par 3 en 5 ans. L’engouement pour le bio est très important chez les producteurs, aussi chez les vendeurs et consommateurs. Nous avons d’ailleurs rencontré notre premier « super « marché bio, Biodélice, depuis le début de notre voyage, certainement le plus beau et le plus convivial de ceux rencontré dans notre vie…(lire notre brève: Biodélice – un « super » marché).

Nous terminons cette première semaine en Corse sous la neige.. bien au chaud chez Anna et Christian, nos sympathiques logeurs de Palavese. Les vents arctiques sont arrivés jusqu’ici… Demain nous partons plus au nord, rencontrer une « distilleuse » d’huiles essentielles, un amoureux de mucilage et un suisse allemand…

Sur la montée du col de l’Ospédale, à 18 km de Porto Vecchio , photo prise le 2 avril 2022, à 600 mètres d’altitude, les crêtes sont à 800 mètres.

Laisser une réponse