Alentejo: êtes-vous Marie-Antoinette ou Agro-business?

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Depuis une semaine à parcourir cette région située à l’Est de Lisbonne, à 8km/h de moyenne, nous commençons à avoir une lecture dualiste du paysage, vu de la route, et forts des rencontres occasionnées par nos déplacements. Deux mondes semblent coexister: le bucolisme des pâturages arborisés par des chênes lièges, pins parasols, pins maritimes, eucalyptus sous toutes ses formes, retenues d’eaux colinéaires, et les grandes étendues  »sans arbre », étendues de monoculture d’oliviers (espacés de 25 m, 8 m ou cultivés pour la nouvelle génération comme de la vigne plantés en rangées à 1m espacées d’une largeur de tracteur.

Le paysage bucolique, celui qui nous fait penser à la ferme de Marie Antoinette, (pour ceux qui l’ont visitée à Versailles, (le hameau – pas Marie-Antoinette pour anticiper sur les esprits taquins), c’est celui d’une agriculture extensive, traditionnelle, avec des animaux, sans intrant artificiel (parce que c’est cher, parce que les parcelles font plusieurs centaines d’hectares, respectant une plano-métrie naturelle, contournant de-ci delà, des blocs erratiques, ceux-là même qui ont étés érigés par des peuples du néolithique pour construire une carte astronomique (lire notre brève-Cromlech des Almendres/Evora). C’est l’éloge de la lenteur, de la durabilité, pas forcément d’une volonté d’écologie au sens politique actuel du terme en Suisse, mais une  »économie rurale faite de bon sens qui sait aussi utiliser une technologie adaptée ( éoliennes traditionnelles, moulin à toiles pour pomper de l’eau ou capteurs solaires tout simplement, tarières à moteur pour planter des piquets d’eucalyptus servant aux pieux des clôtures, eucalyptus plantés dans chaque Finca, dans les zones humides, creusements mécaniques d’étangs ou de petites retenue d’eau en terre.

Cet Alentejo bucolique, c’est celui d’un élevage  »sympathique », respectueux des animaux qui vivent dans une harmonie totale, dérangés par les pickups traditionnels portugais équipés de ponts en bois tropical imputrescible, roulant calmement afin de contrôler les kilomètres de clôtures.

Ces clôtures nous ont fait pester, impossible de camper, tous les terrains sont très fortement grillagés cadenassés, impossible pour les grands mammifères de passer d’une parcelle à l’autre, puis en réfléchissant le moindre, il faut se dire que les parcelles font au minimum plusieurs centaines d’hectares, que les clôtures sont destinées à maîtriser des ovins, ou des bovins ou des chevaux, donc notre vision helvétique idyllique se doit d’être adaptée. On nous parle de l’accueil chaleureux des portugais….oui , oui , absolument quand vous comprenez qu’il faut ouvrir les portails , les portiques, les entrées théâtrales des Fincas, et parcourir sur le terrain privés un à plusieurs kilomètres pour demander l’hospitalité, les portugais y sont habitués, nous , cela nous pose encore quelques problème  »culturels ».

Revenons à nos moutons, nos vaches, de races Alentejana, limousine, aquitaine, ces animaux se nourrissant à 80% de fourrages naturels, agrémentés d’olives, d’herbes aromatique, évidemment à ce régime là, avec en moyenne 6 euros le kilo, le rapport qualité -prix est imbattable. le 80% c’est sans les apports de fourrage en cas d’hivers rudes ou d’étés secs.

Vous avez vu ce qui était sur terre, mais dans les airs, c’est un festival des cigognes noires, cigognes blanches, vanneaux huppés, mésanges, de multiples passereaux microscopiques, des chardonnets, grives, alouettes (pour les amis éoliens, – pas eu le temps de voir si c’était des  »LULU » que l’on apprécie tant au Mollendruz!!) sans oublier les rapaces, cela vole très vite, très haut, et nous faut-il le rappeler on est à vélo tenu à deux mains sinon avec la charge, c’est la pirouette assurée.

Bon l’Alentejo c’est aussi quelques chevaux , des lusitaniens, semi-sauvages pour ceux que nous avons vus, impossible à capturer avec un IPhone et les chevaux du haras royal Coulderia de Alter (lire notre brève-traditions royales: chevaux lusitaniens et chasse aux faucons)

Alors l’agrobusiness dans tout cela , c’est quoi? Clairement c’est le moyen des années 1950 à 2020, le plus simple , présent partout dans le monde, dont nous sommes évidemment acteur/consommateur actif pour faire face à une production agricole décuplée, d’une qualité nutritive discutable , mais ce n’est pas mis en avant dans les produits, et d’un héritage totalement désastreux sur la qualité des sols que les générations des années 1950 vont léguer à leur progéniture dans les années 2020. Personne ne s’y trompe, la relève n’est pas au rendez-vous, 80% des agriculteurs ont plus de 60 ans, la matière organique est divisée par 20, les résidus de pesticides concentrés dans les eaux n’ont rien à envier aux nappes phréatiques du plateau suisse ou de la région parisienne ou Bretagne. De nombreuses études parues en 2019 prouvent que le gouvernement comme tous les acteurs de l’agro-business sont totalement conscients des désastres écologiques qui se pointent, aggravés par les sècheresse qui n’arrivent plus a être compensées par la construction annuelle de nouvelles réserves d’eaux et barrages de grande envergure.

Les premières mesures concrètes sont la maîtrise de l’eau à travers une irrigation précise. Nous avons vu effectivement des tuyaux de goutte à gouttes avec des buses tous les 50cm alors que tous les 2 mètres aurait été préférable. Nous avons vu des champs de centaines d’hectares d’amandiers sans aucune herbe au sol, alors que nous avons également constaté des moutons pâturant (en janvier) dans des vignes pour les désherber.

Nous avons vu des diversifications avec des noyers, mais également de nouveau des centaines d’hectares d’oliviers plantés comme de la vigne sur des rangs à 1 mètre de distance et vraisemblablement 2.5 mètres de hauteur, le tout faisant appel massif aux toiles noires tissées qui protège des  »mauvaises herbes » mais tue la microfaune du sol en 5 ans, et laissent des particules fines de polymères dans le sol.

Toujours de la monoculture massive, pas un arbre pour ombrer, hydrater, réguler les précipitations, abriter une faune et flore actives dans la stabilisation des populations microbiennes et mycologiques ou simplement protéger des vents desséchants, ou d’un hiver sec, tel que nous le vivons ce janvier 2022 en Alentejo. Bref, il y a une prise de conscience manifeste et cela fait plaisir, mais il y a surtout du travail pour redresser tous ces sols devenus biologiquement incultes, simples supports aux cocktails chimiques qui en font une culture hors sol, ce qui n’aurait aucune importance, s’il n’y avait aucun résidu…mais nous sommes sur des millions d’hectares en plein air… et pas dans une serre ou une station spatiale.

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